Sainte-Tulle paroisse de Sainte-Tulle

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  l'antiphonaire de Sainte-Tulle  
     
 

C'est un peu par hasard que, voilà un peu plus d'un demi-siècle, fut découvert dans les archives municipales de Sainte-Tulle un antiphonaire du dix-huitième siècle.

Nous sommes en 1947, Roger Averardo a 22 ans. La receveuse des Postes de l'époque, également conseillère municipale, lui signale l'existence d'un étrange et imposant ouvrage qui dort, oublié, dans les archives de la commune. C'est avec une émotion profonde que Roger Averardo découvre un magnifique exemplaire d'antiphonaire. L'abbé Jouve, prêtre, archéologue et compositeur né à Buis-les-Baronnies en 1805, avait en son temps qualifié ce type d'ouvrage comme étant « une des plus magnifiques œuvres de l'art chrétien ».

Sainte-Tulle
la couverture

Avec sa couverture en bois et cuir, ses fermoirs en cuivre et ses 197 pages en peau tannée, cet immense ouvrage pèse près de 15 kg. Il ne pouvait être utilisé que posé sur un lutrin.

Un antiphonaire rassemble les divers offices chantés de la liturgie catholique. L'étymologie du mot vient de anti (s'opposant) et phonae (voix). Il signifie donc « voix qui se répondent », les voix étant tour à tour celles de l'officiant et celles du chœur.
L'antiphonaire de Sainte-Tulle réunit des chants grégoriens d'une facture tout à fait habituelle.

Là ne réside pas le mystère. Ou plutôt les mystères. Car les questions autour de cet étonnant et gigantesque (presque 1 mêtre de hauteur) manuscrit sont nombreuses et passionnantes.

Certes, la page de garde explique qu'en 1704 « maître » Jacobus Brémond, de Néoules, du diocèse de Toulon, a donné à la paroisse de Sainte-Tulle ce manuscrit de chants grégoriens dédié à sainte Tulle. Pour autant, ce Jacobus Brémond en était-il l'auteur ? Ce n'est pas impossible, car il a réalisé un autre antiphonaire, plus petit et nettement moins achevé que celui qui nous intéresse ici. Mais, d'après un spécialiste, ce précieux manuscrit sortirait plutôt des ateliers parisiens des Invalides, et Brémond ne serait dons que le commanditaire.

Dans les vignettes-lettrines, les scènes bibliques répondent aux scènes du quotidien du dix-huitième siècle.

Riche et généreux commanditaire dans ce cas, prêt à offrir à une paroisse somme toute modeste un ouvrage inestimable, décoré à l'or fin ! Les feuilles de vélin n'étaient déjà plus monnaie courante en 1704 ; les rehauts à la feuille d'or ont dû coûter une fortune...

une vignette
Un événement marquant s'est-il passé en ce tout début du dix-huitième siècle ?
Sainte-Tulle justifiant une reconnaissance particulière à la sainte, comme plus tard, en 1720, la peste qui génèra tant d'ex-voto ?
Sinon, pourquoi un ouvrage aussi riche à la gloire de la patronne de Sainte-Tulle, et pourquoi un oubli aussi rapide ?
un cul-de-lampe

Contrastant avec les vignettes, un cul-de-lampe à la facture très dix-huitième siècle.
Les tulipes étaient en particulier alors à la mode. Toutes les fleurs sont représentées par deux, même la rose penchée qui se fane, avec son bouton dressé.
Harmonie artistique, symbole ?

Un étrange artiste, très personnel
Quel artiste a eu la patience et la passion de tracer à la main, de peindre, deux cent cinquante ans après l'invention de l'imprimerie, ces portées à quatre lignes, ces enluminures, ces vignettes-lettrines méticuleuses, ces frontispices somptueux, ces culs-de-lampe charmants ?
Etait-il prêtre, érudit, calligraphe ? Certes, il connaissait l'histoire sainte, bien qu'il ait pris quelques libertés tant avec les scènes bibliques ou les symboles qu'avec l'écriture ou l'ornementation. Ainsi, la Vierge est habillée de rouge et bleu sombre, et non de blanc et de bleu ciel. Les vignettes représentent des scènes bibliques comme la Nativité voisinent avec des bouquets dignes de l'école hollandaise du dix-huitième siècle, bouquets oû s'épapouissent des tulipes ! La Vierge pouvait porter des lys, mais sûrement pas des tulipes turques, introduites tardivement en Europe ! Le caractère utilisé est le Garamond, celui qui aujourd'hui encore est le plus courant sur la planète, y compris sur les écrans d'ordinateur, mais s'y mèlent des "s" en forme de "f", en droite ligne des copistes du Moyen-Àge.
Ces entorses aux traditions sont-elles le fait, de la part de l'artiste, de caprices, de liberté créative, de méconnaissance de la culture médiévale ? Sont-elles des anachronismes voulus ou involontaires ?
Alors que toutes les lettres sont en Garamond,le "s" (dans est, sapiens) est resté en forme de "f" comme dans les manuscrits du Moyen Àge le Garamond
En tout cas, le peintre calligraphe a sans cesse imbriqué son siècle, le Moyen-Âge (le choix même d'un manuscrit, les notes carrées, les feuilles de vélin, etc.) et l'époque biblique. Au point que dans la même scène se côtoient des personnages habillés à la mode du dix-huitième siècle et d'autres comme au temps de Jésus.
Enfin, quel compositeur a inspiré le copiste ? Les portées et les notes carrées sont similaires à celles des antiphonaires du Moyen-Àge, qui reprenaient les indications du pape Grégoire le Grand. S'agit-il d'une simple reprise ? On le voit, nombreuses sont les questions qui restent sans réponses.
Quelle que soit son histoire, quel que soit le talent de son créateur, l'antiphonaire de Sainte-Tulle est une œuvre éminemment humaine, avec son inspiration si marquée par son siècle, ses tracés parfois parfaits, parfois tremblés, son anachronisme. À peine utilisé, presque pas abîmé, plus qu'un hommage à la religion ou qu'un ouvrage utile, l'antiphonaire de Sainte- Tulle est sans doute d'abord une œuvre d'art délibérée.

Texte de Sylviane Chaumont-Gorius (Carnet de Provence n°41)
Photos de Robert Escoffier.

 
   
       
   
 
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