|
Lors de la très intéressante exposition de photos
intitulée « Au fil des gens » qui retraçait
les divers aspects de la vie de chez nous depuis cinquante ans et
plus, je me suis arrêté sur une photo prise par Jean
Testanière. Elle représente un reposoir d’antan
fleuri et décoré pour la Fête-Dieu. On se souvient
en effet qu’à l’époque, pour la fête
du Saint-Sacrement, on processionnait en ville, après la
messe, avec la sainte Hostie. Les habitants de chaque quartier,
animés d’une sainte émulation, s’ingéniaient
alors pour réaliser le plus beau reposoir afin d’honorer
ce passage du Seigneur chez eux.
On voit d’ailleurs le curé Jean Savornin bénir
le peuple avec le Saint-Sacrement enchâssé dans le
soleil argenté d’un magnifique ostensoir. Autour, de
nombreux enfants de chœur, harnachés comme des petits
cardinaux, en soutanelles rouges et rochets brodés de dentelles,
encapés d’un camail bordé d’hermine !
Et puis au premier plan, agenouillé, on reconnaît bien,
de profil, le père Gaston Savornin, notre actuel vicaire
général, alors tout jeune vicaire à Forcalquier.
Mais ce qui frappe c’est son très beau geste de la
main, l’index posé sur les lèvres. Ce geste
qui vaut tous les sermons et qui semble dire : « Chut ! Il
est là ! » Le Seigneur est là effectivement
dans ce petit morceau de pain azyme, presque dérisoire. On
raconte en effet que dans le musée de l’athéisme
inauguré sous Staline, à l’époque d’ailleurs
où cette photo a été prise, dans les années
cinquante, on montrait dans une vitrine une petite hostie blanche
épinglée sur un vulgaire bout de carton, avec écrit
dessous : « Le Dieu des chrétiens ! »
Eh oui quelle grande pauvreté que ce signe du Pain et du
Vin. Et pourtant, comme ce geste du père Savornin nous le
suggère, aujourd’hui comme hier, nous sommes toujours
confrontés à ce grand mystère d’un Dieu
qui veut se donner dans la pauvreté et le silence. Pauvreté
de l’Eucharistie, pauvreté de Bethléem. Ce mot
d’ailleurs signifiant en araméen « La maison
du pain » Déjà dans la mangeoire de la crèche
le petit Enfant-Dieu est préparé pour devenir notre
Pain. Certes nous avons besoin de renouveler sans cesse notre foi
dans cette présence réelle du Christ dans le Saint-Sacrement.
Et c’est pourquoi cette photo m’a beaucoup touché.
Elle m’a rappelé que ma foi repose sur une longue histoire
qui traverse toutes les générations, au fil des gens
! Cette conviction est confirmée par celui qui, au milieu
de nous, confirme notre foi d’aujourd’hui, le Saint-Père
Jean-Paul II : « Avec toute la tradition de l’Église,
nous croyons que, sous les espèces eucharistiques du pain
et du vin, Jésus est réellement présent. C’est
pourquoi la foi nous demande de nous tenir devant l’Eucharistie
avec la conscience que nous sommes devant le Christ Lui-même
»
Père François Marot
Noël 2004
|
|