Homélie de Mgr
Georges Pontier
à Marcoux, le samedi 22 septembre 2007
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À
quelques jours près, voici deux cent quatre ans
naissait ici à Marcoux Jacques Chastan. C'était
le 7 octobre 1803. Le registre paroissial indique qu'il
fut baptisé sous condition par le prêtre
Beaudouin. Le 26 décembre 1826, à vingt-trois
ans, au lendemain de Noël, il célébrait
ici une première messe. Il partait pour Paris le
1er janvier 1827 afin de rejoindre
les Missions étrangères de Paris pour réaliser
sa vocation de missionnaire dans cette spiritualité
de l'époque qui envisageait lucidement et positivement
la perspective du martyre. C'est étonnant pour
nous de penser qu'est né dans le cœur d'un
jeune de ce temps, ici à Marcoux, le désir
de partir si loin pour vivre l'Évangile.
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Et vous autres aujourd'hui en diocèse,
à l'initiative de votre évêque vous ressentez
l'appel à entrer dans la dynamique d'un « nouvel
élan missionnaire ». L'année pastorale
qui vient de s'achever vous a permis de vous approprier la
lettre pastorale de Toussaint 2006. Celle qui commence va
vous faire encore progresser dans ce sens là.
Aujourd'hui, comme il y a deux cents ans, comme dans deux
cents ans, toujours les chrétiens se demandent : comment
être missionnaires ?
C'est que le Christ a voulu associer à sa mission les
hommes de chaque génération. Une fois pour toutes
il a fait don de sa vie pour le salut du monde. Une fois pour
toutes il s'est fait homme pour révéler l'amour
de Dieu pour tous, les conduire à l'union intime avec
lui, et à l'unité entre eux.
Mais si cela est donné, cela reste à annoncer
et à recevoir par chaque génération et
jusqu'à la fin des temps. Je voudrais évoquer
avec vous un double aspect de l'élan missionnaire qui
nous caractérise.
Dans l'évangile il y a cette scène
de l'appel des premiers disciples au bord du lac, telle que
la rapporte l'évangéliste saint Luc au chapitre
5. Après avoir renvoyé la foule Jésus
dit à Simon : « Avance au large et jetez les
filets pour prendre du poisson. » Simon lui répondit
: « Maître, nous avons peiné toute la nuit
sans rien prendre, mais sur ton ordre, je vais jeter les filets.
» Les filets se remplirent et revenus sur le rivage,
Jésus dit encore à Simon : « Sois sans
crainte, désormais ce sont des hommes que te prendras.
» C'est le début de la vie publique de Jésus.
Elle s'ouvre sur un appel et sur un envoi en mission pour
le bien des hommes.
Si nous allons maintenant au récit
des dernières rencontres de Jésus ressuscité
avec ses amis, nous allons y trouver ce même envoi en
mission. Il y a la manière de Matthieu qui met sur
les lèvres de Jésus les mots suivants : «
Tout pouvoir m'a été donné au ciel et
sur la terre. Allez donc, de toutes les nations, faites des
disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils
et du Saint-Esprit, leur apprenant à garder tout ce
que je vous ai prescrit. Et moi je suis avec vous tous les
jours, jusqu'à la fin des temps. »
Et puis il y a la manière de Luc un peu différente
: Jésus dit aux disciples : « C'est comme il
a été écrit : le Christ souffrira et
ressuscitera le troisième jour, et on prêchera
en son nom la conversion et le pardon des péchés
à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.
C'est vous qui en êtes les témoins. »
Deux accents de la mission :
L'un consiste à avancer au large, l'autre à
avancer en profondeur.
L'un consiste à rejoindre toutes les nations, l'autre
à être témoin du mystère du Christ.
La tension missionnaire est toujours double : rejoindre ceux
qui ne connaissent pas le Christ, au loin et ici, et se faire
témoin du Christ auprès d'eux. Il s'agit «
d'aller vers » et de conduire profond. Il s'agit de
rejoindre et de témoigner.
Votre élan missionnaire s'inscrit dans
ce double mouvement, le premier vous invite à sortir,
à partir, à regarder l'ailleurs. Déjà
vous avez été attentifs à cela en repérant
les enfants non catéchisés, les jeunes difficilement
rejoints, les adultes qui semblent vivre sans se poser de
questions religieuses. Cette société qui met
tout en débat au risque de déconsidérer
la personne humaine en ne la regardant plus comme un être
sacré, ou en l'utilisant au profit de quelques-uns.
Le second mouvement vous invite à aller en profondeur,
à être témoins du Christ. Là nous
le savons, il faut vaincre les peurs qui nous empêchent
parfois de témoigner de notre foi. Il faut trouver
les moyens de le faire d'une manière audible par ceux
auxquels on s'adresse. Il faut savoir prendre le temps de
l'amitié et arriver dès que possible à
l'annonce explicite du Christ. Nous le savons bien la mission
chrétienne se déploie dans une annonce claire
du mystère de Dieu, de son amour pour les hommes, du
salut donné en Jésus-Christ. Elle se déploie
encore dans une vie de prière et l'accueil du don de
Dieu à travers une vie sacramentelle régulière
et profonde. Je pense tout simplement à l'importance
du jour du Seigneur et de la participation à l'Eucharistie.
Elle se déploie enfin dans le service des plus pauvres,
de ceux qui paraissent douter de l'amour de Dieu pour eux
à cause de la dureté de leur vie.
Le nouvel élan missionnaire que vous
voulez vivre doit s'enraciner dans votre amour du Christ,
un amour fort, un amour de préférence.
Si Jacques Chastan a pu envisager de mourir en son corps,
c'est parce qu'en lui-même il avait mis à mort
l'amour de soi, les sentiments trop charnels et qu'il avait
cultivé une amitié profonde avec Dieu.
Mes amis, n'en doutez pas, l'Esprit vous précède
sur le chemin de la mission. C'et lui qui ouvre les cœurs
et soutient les ouvriers de l'Évangile.
Souvenez-vous d'une chose : la foi est une réalité
vivante. Ou on la maintient vivante, forte, en la partageant
et alors elle grandit, ou bien nous devenons tièdes,
bientôt froids, et elle meurt.
L'élan missionnaire est bon pour nous-mêmes !
On n'évangélise pas sans se laisser évangéliser
soi-même ! C'est du ressourcement de votre vie chrétienne
personnelle et communautaire que sortira votre dynamisme missionnaire.
Que Jacques Chastan vous serve d'exemple.
Que surtout vous entendiez le Seigneur vous redire : Église
de Digne, avance en eau profonde, jette les filets, ce sont
des hommes que tu prendras.
+ Georges Pontier, archevêque de Marseille
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