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Pendant
plusieurs mois, nous avons prié pour que la paix dans le monde
soit sauvegardée. Et il y a eu la guerre. Qu'est devenue notre
prière ?
Tout d'abord, demandons-nous à quel dieu s'est adressée
notre prière. Le président des États-Unis d'Amérique
s'est tourné vers un dieu chrétien qui délivrerait
des forces du mal. Le raïs d'Irak a invoqué un allah
qui anéantirait les infidèles. Ces prières
ne sont pas dignes des hommes qui les font, quand ils veulent récupérer
ces idoles au profit de leurs pouvoirs humains.
Mais, de même, gardons-nous de chercher un dieu qui aurait
la couleur de notre idéologie pacifiste ou de nos connivences
politiques. Cette guerre en Irak nous fait poser la question : «
Quel est notre dieu ? » Le Dieu Père de Jésus-Christ
est le
« Dieu de la paix » sur la terre par dessus tous les
partis pris.
Une autre question se pose : si c'est le vrai Dieu chrétien
auquel nous nous sommes adressés, pourquoi n'a-t-il pas écouté
nos prières ?
Là encore, gardons-nous de réduire le Dieu de notre
prière à la mesure de notre impatience à être
exaucé. D'une part, il nous faut croire ce que Jésus
nous a dit :
« Demandez et vous recevrez » (Mt 7, 7) et que la prière
faite dans la foi sera entendue (Mt 8, 13). D'autre part, il faut
allier à cette confiance une vision de foi qui nous fait
dépasser l'immédiat de notre demande, car Dieu est
plus grand que notre cœur et il sait ce dont nous avons besoin
avant même que nous le lui ayons demandé (Mt 6, 8)
et il sait ce qu'il y a de mieux pour contribuer au bien de tous
ses enfants (Rm 8, 28).
Dieu est le Maître de l'Histoire : c'est lorsque le monde
nouveau sera venu que toute prière sera définitivement
exaucée et que tout sera connu (cf. 1 Co 13. 12).
Une autre question se pose alors : et si c'était notre prière
de demande à Dieu qui ne serait pas ajustée à
ce que nous sommes et devons faire ?
En priant, nous engageons toute notre personne pour que, d'abord,
elle se convertisse au Dieu que nous supplions. Prier nous établit
dans la paix. Prier pour la paix, c'est s'engager en même
temps à faire la paix en nous-mêmes, avec les autres
et avec Dieu. Et ce qui est vrai au plan individuel, l'est également
au plan de la prière publique pour la paix. La prière
des chrétiens pour la paix s'inscrit dans la mémoire
du Christ, Lui qui est la Source de toute véritable paix
parce que
« en mourant, il a vaincu la haine ».
« Cette mémoire est à la fois un souvenir dangereux
et la mémoire d'une promesse qui fonde une espérance,
non seulement pour les croyants mais pour le monde. L'engagement
du chrétien me paraît être en définitive
un engagement pour la paix ». (dit le P. Aveline, dans La
Croix du 9 avril 2003.)
Dans la circonstance de cette guerre en Irak, M. Riccardi, fondateur
de la Communauté Sant'Egidio, donne cet avis : « Un
pas très important a été franchi dans le refus
de la guerre. Mais, après les manifestations, il reste à
construire une culture de paix. Un appel pour un monde sans guerre,
plus juste. Les chrétiens doivent être en première
ligne dans la construction de cette culture positive... Ne pas oublier
d'être chrétiens, c'est agir dans la logique de Pacem
in terris, avoir l'amour de la paix, travailler à la paix,
être des femmes et des hommes de paix et cohabiter avec les
autres en paix » (dans « La Croix» du 11 avril
2003).
Prions pour la paix en nous engageant moralement pour la paix !
Individuellement et en groupe ! Engagement risqué. Engagement
qui demande humblement à Dieu, comme saint François
d'Assise : « Seigneur, faites de moi un instrument de votre
paix ! ». Engagement qui répond à la béatitude
évangélique :
« Heureux les artisans de paix ! Ils seront appelés
fils de Dieu » (Mt 5,9).
+ François-Xavier Loizeau, évêque
de Digne
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