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Les
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L'Église
dans le monde de ce temps |
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Mgr Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux
et président de la Conférence des évêques
de France, a très bien exprimé l’actualité
de la vie de notre Église, lors de ses deux discours (d’ouverture
et de clôture) à l’assemblée des évêques
de France, à Lourdes. Voici de larges extraits de ces deux
discours.
+ François-Xavier Loizeau,
évêque de Digne
L’actualité en France
Le 8 décembre prochain, nous fêterons
le quarantième anniversaire de la clôture du concile
Vatican II. À quarante ans de distance, nous pouvons rendre
grâce à Dieu pour tout le dynamisme apostolique qu’il
a suscité dans notre Église. Son enseignement reste
une lumière sur notre route. La veille de la célébration
finale, le 7 décembre, était promulguée la
Constitution pastorale Gaudium et spes dont nous connaissons
bien les premières lignes : « Les joies et les espoirs,
les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres
surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et
les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du
Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve
écho dans leur cœur. » (n° 1) Cette conviction
reste profondément la nôtre aujourd’hui. C’est
parce que nous nous sentons pleinement solidaires des hommes de
ce temps que nous avons voulu donner toute leur place dans la
prière et la réflexion de notre assemblée
aux événements qui marquent dramatiquement, ces
jours-ci, la vie sociale de notre pays.
Une actualité préoccupante
La déclaration que j’ai publiée
samedi dernier au nom de notre assemblée a exprimé
la vive préoccupation qui est la nôtre devant la
multiplication des actes de violence et de destruction que connaissent
nombre de grandes agglomérations. Deux d’entre nous
ont regagné dès lundi leur diocèse, manifestant
ainsi le souci de l’ensemble des évêques devant
cette situation.
Nous ne pouvons, une nouvelle fois, que condamner
l’usage de la violence et marquer notre compassion auprès
de ceux qui en sont les victimes, en particulier les plus modestes
qui ont perdu leur outil de travail ou leur moyen de déplacement.
Nous voulons aussi souligner la difficulté du travail des
forces de l’ordre, des pompiers, des services publics et
des élus locaux pour accomplir leur mission avec le sang
froid nécessaire dans ces circonstances.
L’ordre doit être rétabli. Mais
nous avons aussi rappelé que la seule répression
et l’incitation à la peur collective n’étaient
pas une « réponse à la hauteur de ces tensions
dramatiques de notre société » et qu’il
« était vital d’ouvrir à ces nouvelles
générations, souvent en mal d’espoir, un avenir
de liberté, de dignité et de respect de l’autre.
» Si « beaucoup ne baissent pas les bras »,
nous avons un devoir impérieux de soutenir tous ceux –
parents, éducateurs, enseignants, animateurs sociaux, associations,
prêtres, religieux et religieuses – qui œuvrent,
patiemment et souvent dans la discrétion, pour un vivre
ensemble fraternel.
Il n’en demeure pas moins que les événements
de ces jours-ci doivent tous nous interroger. Nos choix, individuels
et collectifs, concernant l’organisation de la vie en société
peuvent nous conduire, de fait, à créer ou entériner
des situations d’exclusion ou de ghetto. La responsabilité
collective est du ressort des décideurs politiques et économiques.
Mais elle interpelle aussi la conscience de chacun. L’égalité
et la fraternité, conditions effectives de la liberté,
sont dans les mains de tous.
La collaboration de tous : pour une laïcité
de participation
C’est dans ce contexte que va être
commémoré, le 9 décembre prochain, le centenaire
de la loi de séparation des Èglises et de l’Ètat.
Cent ans après, quel changement de situation ! Il y a un
siècle, les politiques, fiers d’un idéal républicain,
formaient le dessein de libérer le domaine public, et même
la société, de ce qui leur apparaissait comme une
mainmise de l’Èglise catholique. Aujourd’hui,
c’est cette même société qui est fissurée
et les valeurs républicaines fragilisées. Le vivre
ensemble de populations diverses sur notre sol français
n’est plus évident. On a besoin de la participation
de tous et de toutes les composantes de notre pays pour renforcer
ce vivre ensemble. Les Èglises et les religions, à
partir des traditions qui leur sont propres, ont un rôle
important à jouer pour rapprocher les cœurs et les
esprits, pour inviter à la paix, au respect de la dignité
de chacun, à la conversion des styles de vie.
La dernière rencontre interreligieuse organisée
par la Communauté Sant’Egidio à Lyon en septembre
dernier en a été une expression particulièrement
significative. Ceux qui veulent écarter les religions de
l’espace social et les enfermer dans le seul domaine des
convictions privées se trompent de siècle. Sans
remettre en question les grands équilibres trouvés
au cours d’un siècle d’application de la loi
de 1905, nous voulons, comme catholiques, apporter notre pierre
à l’édification, sans cesse à reprendre,
de notre unité nationale. Nous ne pouvons que rappeler
les convictions que nous exprimions le 15 juin dernier : «
[l’Église] ne souhaite pas s’enfermer dans
la défense de ses intérêts communautaires
mais contribuer à promouvoir la dignité intégrale
de chaque personne humaine dans notre vie sociale, ainsi que la
paix et la justice dans notre société. Elle apporte
avec d’autres sa participation dans les domaines divers
: la solidarité, la culture, le vivre ensemble dans les
cités, la participation à de multiples associations,
la présence dans le domaine de la santé, de l’éducation,
de la politique, le soutien aux familles, la consolidation des
liens avec l’ensemble des Églises chrétiennes
et les autres religions… Mais elle offre surtout ce qu’elle
a en propre et qui est sa raison d’être : faire connaître
le Christ, source de renouvellement intérieur et de fraternité
ouverte à tous. » (Déclaration des évêques
de France : L’Église catholique et la loi du 9 décembre
1905, cent ans après, n° 16).
La catéchèse en France
La catéchèse
Nous avons voté et adopté le Texte
national pour l’orientation de la catéchèse
en France qui précise les grandes convictions et les
points d’attention qui doivent guider la proposition catéchétique
aujourd’hui. Ce texte se veut une mise en application, dans
la situation française actuelle, du Directoire général
pour la catéchèse, publié à Rome
en 1997. Il souligne la situation d’évangélisation,
et souvent de première évangélisation, dans
laquelle se fait aujourd’hui la catéchèse.
Sans ignorer l’importance qu’a l’éducation
permanente de la foi pour tous les baptisés, il promeut
une pédagogie qui soit vraiment au service de l’initiation,
c’est-à-dire de l’entrée dans l’expérience
chrétienne. Il propose d’accompagner pas à
pas ceux qui la découvrent et qui sont invités à
intégrer dans leur propre démarche de foi ces éléments
structurants de toute expérience chrétienne :
-
une connaissance du Christ, le
Fils bien-aimé du Père, qui nous fait vivre de
l’Esprit,
-
une entrée dans la prière,
la célébration et la vie sacramentelle,
-
une découverte de l’Église
et de la vie ecclésiale,
-
un apprentissage à une
conversion de l’existence pour vivre en fidélité
à l’Évangile.
Ce Texte national sera soumis, comme il
se doit (cf. Directoire général n°
282), à l’approbation de la congrégation du
clergé avant d’être promulgué par la
Conférence des évêques de France. Sa version
officielle ne sera publiée qu’après sa promulgation.
Mais les réflexions qui sont sous-jacentes à son
élaboration peuvent nourrir dès maintenant notre
propre réflexion comme évêques diocésains.
En effet, c’est dans les diocèses
que doit se poursuivre dorénavant le travail. Le Directoire
général demande à chaque évêque
d’« établir dans le diocèse un projet
global de catéchèse, articulé et cohérent,
qui réponde aux vrais besoins des fidèles et soit
convenablement situé dans les plans pastoraux diocésains.
» (n° 223) Si le travail n’a pas été
fait, ou si ayant été fait il a besoin d’être
actualisé, un chantier peut s’ouvrir au niveau de
nos diocèses, celui de l’élaboration d’orientations
diocésaines. Celles-ci gagneront à être travaillées
avec l’équipe diocésaine de catéchèse,
les curés, les prêtres, les catéchistes, les
différents animateurs ou animatrices d’aumôneries
scolaires. Il sera bon d’y associer aussi des conseils du
diocèse et les communautés chrétiennes. Je
pense tout particulièrement à celles qui se sont
mobilisées dans la réflexion : « Aller au
cœur de la foi ». La réalisation prendra des
formes diverses. Certains diocèses, par exemple, préfèreront
se mettre ensemble dans le cadre d’une province pour mener
à bien une telle opération. Alors, bon travail à
tous !
L’assemblée plénière a également
adopté un document de Propositions pour l’organisation
catéchétique. Sans avoir le même statut
que le Texte national, il devrait aider à la réflexion
et contribuer à donner des idées pour une mise en
œuvre catéchétique renouvelée. L’échelon
diocésain pour ce travail est important mais il ne pourra
pas tout réaliser par lui-même. C’est pourquoi
des commandes ont été passées à la
commission épiscopale de la catéchèse et
du catéchuménat pour élaborer d’autres
documents au service des diocèses.
La catéchèse nécessite organisation,
documents, acteurs, politique pastorale. Mais elle a surtout besoin
d’être traversée par une passion, celle d’annoncer
le Christ, de conduire à lui, de le faire découvrir
afin que se forme en chacun cette profession de foi qui faisait
dire à l’apôtre Pierre : « À qui
irions-nous, Seigneur ? C’est toi qui as les paroles de
la vie éternelle. » (Jn 6, 68) Merci à tous
ceux et celles qui œuvrent dans ce grand champ de la catéchèse
et qui partagent avec nous cette passion du Christ et de son Évangile.
Le synode romain sur l’Eucharistie
« L’eucharistie comme
source
et somme de la vie et de la mission de l’Église »
1. Faire redécouvrir l’importance
de l’eucharistie dominicale
Vivant dans un environnement où le dimanche
s’est effacé devant le week-end et où la participation
à la messe reste fort tributaire du rythme de vie, de l’envie
ou du besoin qu’on en a, il est important de faire redécouvrir,
et à certains tout simplement découvrir, l’importance
de l’eucharistie dominicale. Dans son homélie, lors
de la messe de clôture des vingtièmes Journées
mondiales de la jeunesse, à Marienfeld, le 21 août
dernier, le pape Benoît XVI s’adressait ainsi aux
jeunes :
« Chers amis ! Quelquefois, dans un premier temps, il peut
s'avérer plutôt mal commode de devoir prévoir
aussi la messe dans le programme du dimanche. Mais si vous en
prenez l'engagement, vous constaterez aussi que c'est précisément
ce qui donne le juste centre au temps libre. Ne vous laissez pas
dissuader de participer à l'eucharistie dominicale et aidez
aussi les autres à la découvrir. Parce que la joie
dont nous avons besoin se dégage d’elle, nous devons
assurément apprendre à en comprendre toujours plus
la profondeur, nous devons apprendre à l’aimer. Engageons-nous
en ce sens – cela en vaut la peine ! Découvrons la
profonde richesse de la liturgie de l'Église et sa vraie
grandeur : nous ne faisons pas la fête pour nous, mais c'est
au contraire le Dieu vivant lui-même qui prépare
une fête pour nous. »
De son côté, dans sa proposition n°
30, le synode souligne combien cette nécessité du
rassemblement dominical concerne tout à la fois le baptisé,
le Christ et l’Église. L’eucharistie est vitale
pour le baptisé. Elle est pour lui une rencontre avec le
Christ ressuscité qui vient vers lui et lui offre sa vie
: « Je suis le pain vivant qui descend du ciel, dit Jésus,
celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité.
» (Jn 6, 51)
Elle est nécessaire aussi pour le Christ
qui, dans la célébration de l’eucharistie,
rassemble son peuple et en fait son Corps dans le monde. En étant
unis au sacrifice du Christ, nous devenons les membres de son
Corps et ses témoins dans notre vie quotidienne. On comprend
que la Didascalie des Apôtres demande « que personne
ne diminue l’Église en n’allant pas à
l’assemblée et ne prive d’un membre le corps
du Christ. » (59, 1)
L’eucharistie est nécessaire enfin
pour l’Église. Car c’est l’eucharistie
qui la fait Église, c’est-à-dire Corps du
Christ, communauté fraternelle qui se reçoit sans
cesse de Dieu et qui est appelée à témoigner
de son amour dans le monde.
Cette nécessité du rassemblement
eucharistique était une conviction forte des chrétiens
des premiers siècles. En 304, l’empereur Dioclétien
interdit aux chrétiens de se réunir le dimanche
pour célébrer l’eucharistie. Arrêtés
à Abitène, petite localité de la Tunisie
actuelle, et conduits à Carthage, des chrétiens
répondirent au proconsul qui les interrogeait et qui devait
les condamner à mort : « Sans le dimanche nous ne
pouvons pas vivre. » Il nous faut méditer cette réponse,
vivre intensément cette foi eucharistique et la partager
avec conviction. Rassemblement dominical et foi dans la présence
du Ressuscité sont profondément liés. Oui,
au cœur de l’évangélisation aujourd’hui
doit retentir cette invitation que nous lançons dans chacune
de nos célébrations eucharistiques : « Heureux
les invités au repas du Seigneur ! »
2. Développer une pédagogie
qui introduise au sens du mystère eucharistique
Dans le récit des disciples d’Emmaüs,
saint Luc nous dit : « Quand il fut à table avec
eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit
et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le
reconnurent. » (Lc 24, 30-31) Cette ouverture des yeux n’est
pas de l’ordre du simple regard, du constat ou de la pure
observation. Elle est de l’ordre de la foi : les disciples
s’ouvrent à la présence mystérieuse
du Ressuscité, comprennent la signification de son sacrifice,
de cette vie donnée, livrée par amour pour le salut
de la multitude. Cette perception les transforme et c’est
dans la joie qu’ils vont retourner à Jérusalem
pour partager leur expérience avec les autres disciples.
Il est important aujourd’hui d’aider
à cette ouverture des yeux de la foi qui, à travers
des gestes, des paroles, des rites, des chants, de la musique
et du silence, permet de percevoir dans la célébration
la présence du Ressuscité et de s’émerveiller
du don de son amour. Cela implique une catéchèse
mystagogique mais appelle aussi une qualité de célébration
qui cultive le regard intérieur, la simplicité,
l’invitation à l’écoute, à l’accueil
d’un autre, à la joie, à l’adoration
et à l’admiration devant le don qui nous est fait
(cf. Jean-Paul II, Lettre apostolique Reste avec nous, Seigneur,
n° 17 et n° 18). Tout dans la célébration
doit conduire à cette rencontre avec le Seigneur. Nous
devons en particulier soigner la beauté des célébrations,
non par esthétisme mais par conviction que la beauté
échappe à l’organisation et au discours et
peut acheminer vers Dieu. « La beauté, disait Jean-Paul
II, est la clef du mystère et elle renvoie à la
transcendance. » (Lettre aux Artistes, n° 16)
C’est elle qui peut nous révéler la vraie
beauté, celle qui rayonne du visage du Christ transfiguré.
3. Rappeler la dimension sociale de l’eucharistie
La célébration eucharistique ne saurait
être une parenthèse dans notre vie. Elle doit, au
contraire, être un tremplin pour vivre avec plus de force
encore au sein de notre vie quotidienne cet amour qui nous est
gratuitement donné. On ne peut communier au Christ sans
communier à sa passion pour les foules (cf. Mt 9, 35-38),
à sa compassion pour ceux qui souffrent, à son action
pour remettre l’homme debout après l’avoir
recréé intérieurement par la guérison
ou le pardon. Il en va, dit Jean-Paul II, de l’authenticité
de la participation à l’eucharistie (cf. Jean-Paul
II, Lettre apostolique Reste avec nous Seigneur, n° 28). C’est
dans l’amour du Christ communiqué dans l’eucharistie
que la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta trouvait une
source intarissable de partage à l’égard des
mourants les plus misérables et abandonnés.
Le synode souligne dans sa proposition 48
combien la dynamique eucharistique de don et de partage doit nous
rendre particulièrement attentifs au respect de la justice,
de la paix, de la sauvegarde des droits de l’homme et de
la création. Se réunir chaque dimanche, pour prendre
part au même Corps et au même Sang du Christ, impose
le devoir d’une lutte tenace contre toutes les forces de
marginalisation et d’injustice économique, sociale
et politique que subissent bien des hommes. Ceci nous invite à
une particulière vigilance.
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