« Qu’as-tu fait de ton frère ? », c’est
la question posée par le Seigneur à Caïn après
le meurtre d’Abel. Caïn répondit : « Suis-je
le gardien de mon frère ? ». Réponse qui révèle
« le péché tapi à sa porte »,
péché de jalousie envers son frère Abel,
et le crime de « sang » qui s’en suivit.
Nous avons là, au premier livre de la Bible (Genèse
4, 3-12), une parabole de la racine du péché en
l’être humain, du péché tapi en nous.
Et ceci dès l’enfance. Le cardinal Barbarin a rapporté
cette anecdote marquante de la vie du futur Abbé Pierre
: « Un dimanche, le jeune Henri avait été
puni et privé de sortie chez des cousins. Quand ses frères,
en rentrant le soir, racontent la joie et les jeux de l’après-midi,
il leur répond : 'Que voulez-vous que cela me fasse ; je
n’y étais pas ! '. Alors, dit-il, j’ai vu le
visage de mon père s’assombrir. Il m’a pris
à part et m’a dit : 'Mais Henri, et les autres ?
Ils ne comptent pas pour toi !' Cette phrase, qu’il n’a
jamais oubliée marque le début de sa lutte acharnée
contre toute forme d’égoïsme, le sien et celui
des autres. » Grâce à cette phrase de son père,
on peut dire que les autres en ont eu de la place dans la suite
de sa vie ! Il fallait cette prise de conscience et une lutte
acharnée contre tout forme d’égoïsme,
le sien et celui des autres. La fraternité est à
ce prix.
Nous entrons en Carême et ce temps liturgique nous est
offert pour continuer plus intensivement la lutte contre le péché
d’égoïsme en nous et dans le monde et pour nous
ouvrir à tous nos frères humains.
« Qu’as-tu fait de ton frère ? ». La
campagne du Comité contre la faim et le développement
nous invite à sortir de notre repliement sur nous-mêmes
et à « donner pour la bonne marche du monde
». Elle nous propose une mobilisation renouvelée
pour lutter contre la faim : « Ensemble agissons ! »
Elle nous presse à « offrir un Carême
d’espoir » pour les plus pauvres de la terre, nos
frères.
« Qu’as-tu fait de ton frère ? ». La
réflexion proposée sous ce titre par les évêques
de France au sujet de la préparation des futures élections
nationales nous interpelle sur la fraternité à promouvoir
dans notre société, fraternité liée
aux exigences de notre foi et portant particulièrement
sur trois chantiers essentiels du vivre-ensemble : la famille,
le travail et l’emploi, la mondialisation et l’immigration.
« Sans la fraternité, la liberté et l’égalité
meurent de froid », dit justement Mgr Rouet, archevêque
de Poitiers.
« Qu’as-tu fait de ton frère ? ». Par
la prière, la privation et le partage, nous sommes invités,
en ce Carême, à repartir à la suite du Christ
qui a lutté pour nous contre le péché et
qui est sorti vainqueur du Tentateur. Le sacrement de réconciliation,
celui de la conversion désirée par nous et du pardon
offert par l’Église du Christ, sera un acte majeur
de notre démarche de lutte contre le péché
qui s’installe trop souvent en nous et aussi contre le péché
qui établit trop souvent son emprise dans notre monde.
Ce sacrement restaure la fraternité et la promeut.
« Qu’as-tu fait de ton frère ? ». En
parcourant les paraboles de Jésus pendant ces cinq semaines
de Carême, nous écouterons ce que dit l’Esprit
de Dieu à notre Église diocésaine, en répondant
à l’invitation de Jésus, en nous laissant
toucher par sa pitié envers la foule sans berger, par sa
bonne nouvelle envers les pauvres, par sa confiance en la vie
qui appelle notre confiance. Ainsi, dans un élan missionnaire,
grandira notre fraternité envers tous nos frères
et sœurs de la terre et du ciel.
Puisque Jésus, ultime réponse à Caïn,
est le frère universel et le gardien de notre fraternité
!