Habitants des Alpes-de-Haute-Provence,
Depuis dix ans que je suis parmi vous, j’ai sillonné toutes les vallées du département. J’ai rencontré et écouté beaucoup de personnes. J’aime ce pays et ses habitants, c’est pourquoi j’ose prendre la parole, non pas en politique (ce n’est pas ma mission) mais en raison des valeurs évangéliques dont je suis l’un des témoins ici même.
J’ai rencontré beaucoup d’acteurs politiques, économiques et associatifs de ce département et nos relations sont, je crois, amicales. J’ai pour eux un double sentiment de respect et d’estime devant leur sens de la responsabilité publique et leur engagement pour des actions communes en vue du bien de tous.
Permettez-moi d’exprimer quelques convictions que je porte en cette période d’élections, dans la continuité du message des évêques de France à l’occasion des précédentes élections (« Qu’as-tu fait de ton frère ? »). Je souhaite qu’elles soient bénéfiques pour tous, croyants et incroyants.
Aller voter :
Cette responsabilité de citoyen s’exerce de multiples façons. A ceux qui ne peuvent pas s’engager directement dans l’action locale, il revient de donner au vote tout son poids. Une des chances de ces élections municipales ou cantonales est la proximité. Les enjeux nous concernent directement, par la qualité de vie, les services rendus ou la fiscalité locale. Les projets nous sont compréhensibles et nous pouvons souvent vérifier concrètement leur réalisation. A cette échelle, nous percevons mieux la nécessité que les personnes soient au cœur des préoccupations. Alors, il vaut la peine de se renseigner, éventuellement d’interroger, de proposer des initiatives, afin que nous puissions mieux vivre la fraternité.
Tout cela donne lieu à des débats. En effet, le débat est essentiel : la démocratie a besoin que chacun puisse donner son avis et l’exprime effectivement. Le débat et le combat politiques sont nobles mais doivent toujours se faire dans le respect des personnes.
Notre vote ne peut être une démarche de consommateur, où nous élirions des personnes chargées de nous rendre des services pour nos intérêts personnels ou nous obtenir des passe-droits. Notre vote est un acte de solidarité pour construire ensemble l’avenir de notre village ou de notre ville, de notre canton et de notre département, de la France et de l’Europe, de notre planète aussi.
S’impliquer, pour le bien commun :
L’organisation politique existe par et pour le bien commun, lequel est plus que la somme des intérêts particuliers ou collectifs souvent contradictoires entre eux. Ce bien commun comprend l’ensemble des conditions de vie sociale qui permettent aux hommes, aux familles et aux groupements de s’accomplir plus complètement et plus facilement. Aussi doit-il être l’objet d’une recherche inlassable de ce qui sert le plus grand nombre, et en particulier de ce qui permet d’améliorer la condition des plus démunis et des plus faibles. Le bien commun est celui de l’Homme, de chaque homme.
Nous prenons tous conscience que les décisions prises vont créer le cadre de vie des enfants et petits enfants de nos localités, comme celui des autres habitants de la planète. Ceci nous encourage à chercher le bien commun dans la perspective d’un développement durable, qui respecte la création. Ceci nous appellera sans doute à modifier nos modes de vie. Car la perspective du bien commun est sans cesse à reprendre avec les évolutions et les prises de conscience de la société.
Les responsables politiques ont la noble mission de faire émerger un projet fédérateur, au service du bien commun et non des intérêts égoïstes, en donnant aux citoyens la possibilité d’y participer. La décentralisation des responsabilités nécessite de trouver des femmes et des hommes qui s’engagent dans la vie municipale ou associative, donnant ainsi du poids à leurs convictions. Un tel engagement doit se prendre avec lucidité sur la disponibilité, le dévouement et la compétence qu’il réclame. Mais cette décentralisation a aussi besoin de disposer des moyens qui permettent à ces hommes et à ces femmes d’exercer leur responsabilité.
J’ai rencontré de nombreux chrétiens impliqués dans la vie civique et j’appelle les catholiques à s’engager et à s’impliquer encore davantage (comme leurs aînés) dans la responsabilité communale, intercommunale ou cantonale. Ils peuvent trouver dans leur foi un sens humain à leur action au service de tous. Ils n’ont pas le monopole des bonnes solutions mais partagent avec tous les hommes et femmes de bonne volonté les valeurs de justice et de droiture, de fraternité et de réconciliation toujours possible.
Ayant nous-mêmes acquis une expérience dans la collaboration entre les paroisses, je me réjouis des progrès de l’intercom-munalité. Se regrouper devient nécessaire et il faut travailler ensemble. Cela permet aux uns d’exercer leurs qualités de proximité et aux autres de mettre leurs compétences au service de projets communs d’envergure, afin d’inventer efficacement un avenir.
Aller voter ne suffit pas :
Au cours de mes dix années au service de ce diocèse, j’ai rencontré beaucoup de joies et de dynamismes, mais j’ai aussi côtoyé de nombreuses souffrances et des drames, visibles ou cachés. Autant je crois que notre vote peut contribuer à réduire ou à réparer ces drames, autant je suis persuadé qu’il ne suffit pas de voter.
Notre tissu social est bouleversé par de multiples évolutions et il a besoin de tous les engagements locaux, de voisinage, dans les associations, dans la culture, dans le sport… Je loue toutes les personnes qui s’engagent dans nos cités, dans nos villages, afin de tisser des liens, de rendre plus belle la vie ensemble pour que l’Homme reste au centre de nos projets. Et j’encourage chacun et chacune à avancer dans ce sens, en étant attentif « au prochain », à celui qui est proche ou à celui dont on se rapproche, à celui qui est plus pauvre que nous.
Ce sont les moyens « humains » qui permettront de relever les défis de la vie décente pour tous. Car la qualité de la vie de tous les jours, c’est l’attention et l’action de chacun, au plus près de chacun.
Voilà les convictions qui m’habitent. Je vous les livre sans prétention aucune, au nom de ma foi en l’Homme (fondée sur ma foi en Dieu et sur le message de Jésus). Je vous les adresse cordialement à la veille de ces élections importantes pour nous, dans notre beau pays des Alpes-de-Haute-Provence, si vivant en ses communautés.
+ François-Xavier Loizeau, évêque de Digne
Digne-les-Bains, le 30 janvier 2008
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