ecclésia 04

 

 

Luc MELLET/SNCC

Sisteron, 27/09/2008 : « Ecclesia 04 »

 

« Goûter la Parole, chemin d’un renouvellement »

 

Argument

 

S’interroger sur la manière dont l’Eglise comprend sa responsabilité catéchétique, question des fondements de cette Responsabilité Catéchétique et des axes majeurs qui la structurent en reprenant ce qui a été vécu durant les deux jours…

 

 

Intervention

 

Salutations et présentations… Merci de m’avoir invité à être témoin de votre Rassemblement diocésain. Un événement qui marque la vie de votre Eglise… Je vous rejoins aujourd’hui comme « nouveau directeur du SNCC » et non comme « directeur de la catéchèse en France ! ». SNCC : service de la Conférence des évêques et au service des diocèses.

 

Les deux journées importantes de ce rassemblement diocésain Ecclesia 04, le premier en France après le Congrès Ecclesia 2007 qui s’est tenu à Lourdes en octobre dernier, vous ont fait vivre un itinéraire très nourrissant. A travers les différentes étapes du programme de ce Rassemblement, vous avez été touchés par la Parole de Dieu mise en valeur dès la première matinée et qui a fait retentir, à chaque étape, l’évangile de Jn 21, la pêche miraculeuse, comme bonne nouvelle pour tous. La Parole a été mise au cœur de votre rassemblement, au cœur de vos préoccupations, elle devient le centre de votre démarche en Eglise diocésaine. En étant personnellement touché parce que vous avez vécu ces deux journées, vous enracinez la Parole dans la réalité vivante des hommes, des femmes, des enfants, de ceux qui travaillent comme de ceux qui sont entrés dans « l’âge de la sagesse ». Vous vous êtes organisés pour participer à ce rassemblement, répondant à un appel intérieur à faire un pas, comme les disciples à jeter à nouveau les filets. Au début du nouveau millénaire, le pape Jean-Paul II appelait de ses vœux une « écoute de la Parole qui devienne une rencontre vitale […] permettant de puiser dans le texte biblique la Parole vivante qui interpelle, qui oriente, qui façonne l’existence. »

Ce que vous venez de vivre est une démarche inhabituelle encore aujourd’hui et nous sentons bien qu’il sera fructueux d’en développer les intuitions profondes. Vous mettrez ainsi en action l’un des principes que les Evêques de France nous invitent à promouvoir dans l’Orientation de la catéchèse selon le Texte National qui nous est donné comme cadre de recherche pour les années qui viennent : rendre possible des rencontres en famille, en paroisse, en diocèse qui ne soient pas des assemblées d’anciens combattants d’une cause d’hier, ni de simples retrouvailles de gens qui se connaissent déjà et sont heureux de se retrouver, ni même une pure proclamation d’un condensé de la foi de l’Eglise… mais une « mise en œuvre catéchétique renouvelée » . Il s’agit d’une réelle proposition de foi qui rende possible l’entrée dans l’expérience que fait l’Eglise lorsqu’elle accueille la Parole de Dieu comme bonne nouvelle capable de transformer la vie.

Oser ainsi proposer un chemin de foi, chemin nouveau pour l’évangélisation aujourd’hui qui s’inscrive dans toute la durée de nos vies et qui les transforme de l’intérieur . N’avons-nous pas entendu ce matin dans la lecture de St Paul que sa prédication n’a pas été vaine parole, mais dynamisme dans l’Esprit-Saint ?

 

 

I - Regardons ce que vous venez de vivre

 

« Toute la communauté est impliquée dans l’annonce de l’Evangile », vous a dit André Fossion vous invitant même à ce que toute votre Eglise diocésaine développe une pastorale de la Première Annonce car « l’Eglise existe pour évangéliser » ... En effet, « la catéchèse est une action évangélisatrice dans le cadre de la grande mission de l’Eglise [… et] la communauté chrétienne est elle-même une catéchèse vivante en vertu de ce qu’elle est, annonce, célèbre et agit et demeure toujours le lieu vital, indispensable et premier de la catéchèse. » peut-on lire dans le Directoire Général de la Catéchèse . Telle est aussi l’une des convictions de Mgr Christophe Dufour, président de la Commission épiscopale pour la catéchèse et le catéchuménat : « Une communauté est nécessaire pour transmettre et faire grandir la foi » disait-il lors du Congrès Ecclesia 2007 à Lourdes en octobre dernier.

De plus, André Fossion vous appelait à développer une pastorale de la charité, une annonce et un témoignage par un style de vie, tout autant que par le dialogue ou la proposition de la foi… En effet, l’Eglise naît du témoignage missionnaire… Il y a déjà dix ans, les évêques de France appelaient toute l’Eglise à se ressourcer dans l’annonce de l’Evangile qui est événement fondateur de la communauté : « il s’agit de former une Eglise qui évangélise par des actes et des pratiques qui peuvent être reconnus comme signes du salut », car c’est dans le témoignage rendu dans le vie que nous naissons à la plénitude de la foi qui est attestation du salut que Dieu opère en nos vies d’hommes.

 

Enfin, vous saviez déjà et avez pu mesurer davantage au cours de ces derniers mois de travail sur « des chemins de renouvellement de l’annonce de l’évangile » thème de votre réflexion diocésaine dans ce département des Alpes de Haute Provence, combien nous sommes aujourd’hui appelés à vivre et approfondir notre relation de foi au Christ à diverses étapes de notre vie et non plus seulement durant l’enfance.

 

Finalement, vous avez vécu durant ce rassemblement diocésain :

  • L’écoute de la Parole qui nourrit : pêche miraculeuse… (Jn 21)
  • L’accueil d’un enseignement qui vous a poussés à aller au cœur de la foi en 7 étapes théologiques, depuis la découverte d’un Dieu créateur qui donne sans cesse l’existence jusqu’à l’accueil en toute liberté de l’espérance de la Résurrection du Christ comme charte de vie renouvelée…
  • Des ateliers qui vous ont permis de faire l’expérience d’un partage entre les générations ici rassemblées. Des créations, des mises en route, des échanges et partages qui constituent, à n’en pas douter, une expérience riche et structurante de catéchèse entre toutes les générations (parents/enfants mais aussi grands-parents et l’entourage familial).
  • C’est autour de l’accueil de la Parole de Dieu qui nous a rassemblés pour l’eucharistie et la catéchèse mystagogique qui l’a développée, que nous avons vécu avec toute l’Eglise la profondeur du mystère de salut de Dieu. Ainsi est-ce la charité du Christ pour chacun de nous et nos contemporains qui est au cœur de votre Rassemblement diocésain.

 

Nous avons donc été conduits par un itinéraire. L’organisation précise des temps d’animation l’a mis en valeur : « vous pouvez aller ici ou choisir de vivre plutôt cela… ». On  n’a cessé de solliciter votre bon vouloir, votre liberté à faire un pas de plus… et à dire oui à Celui qui ne cesse de s’approcher pour nous prendre par la main.

 

Mais ce qui nous a été offert de vivre l’a été par toutes les composantes de l’Eglise de Dieu qui vit dans ce département : mouvements, services, paroisses… prêtres et laïcs… les jeunes n’ont-ils pas porté aussi leur part d’enthousiasme et de motivation ?

 

II - Il s’agit de la Responsabilité Catéchétique de toute l’Eglise

 

            Maintenant, prenons un peu de recul, discernons ensemble. Dans ce que vous avez vécu, il s’agit de la responsabilité catéchétique de toute l’Eglise… Voyons de quoi il retourne.

L’équipe des responsables de ces grandes journées a développé un projet qui rendait possible l’expérience que toute l’Eglise porte : la mission d’annoncer la foi de manière diversifiée. Cette responsabilité vous l’assumez tous ensemble, en Eglise. En effet, « la catéchèse est intimement liée à toute la vie de l’Eglise » .

 

  • C’est bien toute l’Eglise et non seulement une équipe de spécialistes, que nous appelons les catéchistes, qui est en charge de transmettre la foi commune de l’Eglise. Nous redécouvrons actuellement ce large enracinement ecclésial de la catéchèse, mais non pas pour étendre le champ de recrutement des ‘’catéchistes’’ ! Il s’agit bien plus de redécouvrir combien la vie ecclésiale, la fraternité chrétienne, est nécessaire dans la vie du croyant et porteuse de catéchèse « naturellement », sans même vouloir en faire, comme M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir.

 

  • C’est la foi de toute l’Eglise. En effet, nul n’imagine que la responsabilité d’accompagner un frère vers le Christ consiste à lui faire seulement découvrir sa propre expérience de la foi. Car « c’est d’abord l’Eglise qui croit et ainsi porte, nourrit et soutient ma foi. C’est d’abord l’Eglise qui partout confesse le Seigneur et avec elle et en elle, nous sommes entraînés et amenés à confesser la foi : ‘’je crois’’  ‘’nous croyons’’ » . N’avons-nous pas mieux découvert ce matin, grâce à la catéchèse mystagogique, que la liturgie est une manière, avec toute l’Eglise et selon la foi de toute l’Eglise, de rendre témoignage au Christ vivant et présent dans l’action liturgique ? D’ailleurs, nous avons répondu au diacre qui nous invitait à acclamer la Parole de Dieu, en chantant : « Louange à toi Seigneur Jésus ! » Pour nous la Parole c’est le Christ que nous reconnaissons comme vivant. Toute catéchèse vise bien à faire entrer et à grandir dans l’intimité avec le Christ et la liturgie est un chemin d’accès à ce mystère de présence.

 

  • C’est selon toute la foi que l’Eglise transmet. Nous aurons toujours à confronter notre cheminement avec la foi telle que l’Eglise la reçoit et la transmet. « L’initiation comporte aussi nécessairement des moments de confrontation avec les énoncés de la foi tels que l’Eglise les transmet dans les Catéchismes » . Nous appelons souvent cela ‘’présentation organique de la foi’’. Car dans la Responsabilité catéchétique de l’Eglise, il s’agit de rendre possible la découverte de l’intégralité de la foi, selon les questionnements vitaux des personnes rencontrées. Ainsi chaque chrétien est-il appelé à s’approprier toujours mieux la foi dans laquelle il a été plongé au jour de son baptême et à accompagner celles et ceux qui souhaitent grandir dans la foi chrétienne sans réduire ou édulcorer le témoignage.

 

  • C’est selon l’expérience commune à toute l’Eglise. C’est dans la Pâque du Christ, sa mort et sa résurrection, que se trouve fondée l’expérience de foi des chrétiens dans laquelle chaque communauté se reconnait et grandit. Voilà pourquoi il nous faut interroger nos pratiques missionnaires pour qu’elles deviennent toujours plus invitation à la rencontre du Christ pascal. Il s’agit de rendre possible des chemins d’expérience de foi à tous les âges de la vie, dans ce monde moderne et éclaté, et qui soient vécus comme de vraies bonnes nouvelles (et avec joie !) dont chacun puisse percevoir les fruits pour sa propre vie. Ainsi sommes nous portés par et porteurs de cadres de références dans la foi que nous recevons de notre expérience de vie chrétienne.

 

III - Pistes d’analyse pour nos pratiques

 

            Je voudrai ébaucher pour finir quelques pistes que vous pourriez prolonger pour vérifier vos pratiques et enrichir votre commune responsabilité catéchétique…

 

  • C’est Dieu qui agit, il est le Semeur ! La responsabilité catéchétique de l’Eglise est au service de ce don de Dieu. Car il est déjà à l’œuvre dans les cœurs : « c’est Dieu le premier qui vient nous chercher » . Chacun de nous est ainsi appelé à entrer dans une  « posture de discernement » . La responsabilité catéchétique de l’Eglise est alors un travail, celui de servir en l’homme le travail que Dieu lui-même réalise en celui qui l’accueille. Cela nous oblige à chercher la semence, l’aider à grandir. Tel est « le choix que les évêques de France ont posé en inscrivant la responsabilité catéchétique dans la pédagogie d’initiation », nous dit Jean-Claude Reichert , ancien directeur du SNCC.

 

  • Grandir dans la posture d’aîné dans la foi . Ce fut un grand moment du Congrès Ecclesia 2007 à Lourdes l’année dernière que l’ouverture de cette réflexion. Je la caractérise pour nous aujourd’hui en trois mots :
  • Disciple : « Faire une proposition catéchétique demande de se considérer soi-même comme un disciple à la suite du Christ » qui vit une rencontre personnelle et en partage les fruits : « Découverte bouleversante d’être attendu, désiré, appelé, aimé gratuitement [car] c’est Dieu, le premier, qui vient nous chercher » .
  • Témoin : non pas de notre propre expérience, mais de l’action de l’Esprit chez ceux à qui l’évangile est annoncé. « Reconnaissez l’œuvre de l’Esprit dans le cœur des croyants » nous demande l’épître de Jean (1 Jn 4,2). Aider la personne en chemin à prendre conscience de l’œuvre de Dieu dans sa vie et à en rendre grâce est un réel témoignage rendu à l’Esprit-Saint .
  • Accompagnateur : d’une démarche qu’il faut guider en balisant le chemin que doit parcourir celui qui veut devenir chrétien, mais dont on n’a pas la maîtrise .

Entrer plus avant dans la posture d’aîné dans la foi nous aidera à grandir encore comme communautés de disciples.

 

  • Devenir une Eglise disponible : « S’il n’y a pas d’Eglise disponible, il n’y a pas de recommençants » écrivait Henri Bourgeois il y a 15 ans, précurseur de la théologie catéchuménale. Dans le monde tel qu’il est, pourrons-nous honorer cette disponibilité pour laquelle nous sommes souvent sollicités… N’est-ce pas d’ailleurs dans l’accueil fraternel de ceux qui sollicitent de l’Eglise une écoute de leurs questionnements que nous devenons Eglise du Christ, frère des hommes ? L’Eglise grandit dans l’accueil missionnaire qu’elle réserve à ceux qui sont en recherche et devient ainsi ce qu’elle est vraiment, sacrement du Christ au milieu du monde.

 

Avec ces quelques éléments partagés, je vous souhaite de grandir dans la responsabilité catéchétique de toute l’Eglise, sous la conduite de votre évêque qui porte pour vous en premier lieu cette responsabilité et qui vous conforte dans votre recherche et votre témoignage par ce rassemblement diocésain. Bonne route !

 

Merci…

Jean-Paul II, Lettre apostolique Nuovo Millenio ineunte n° 39.

Conférence des évêques de France, Texte national pour l’orientation de la catéchèse en France et principes d’organisation, Bayard, Cerf, Fleurus-Mame, 2006.

Cardinal Jean-Pierre Ricard, lors de l’Assemblée plénière des évêques (9 novembre 2005).

« Entrer dans l’expérience chrétienne fait parcourir tout un itinéraire. C’est lentement et progressivement que prend chair dans une existence le dynamisme que l’Eglise reçoit de Pâques… » Texte national p. 39.

Cf. Texte national p. 29-30 : « Trouver des formes de première annonce : […] ce sont des propositions ponctuelles, qui ne présupposent pas déjà un acte volontaire de la part de ceux à qui elles sont adressées. Cette annonce est appelée ‘’première’’ parce qu’elle appelle à croire et conduit au seuil où va être possible une conversion. Elle travaille à éveiller le désir, elle invite à un chemin de foi, elle suscite de l’intérêt, mais sans attendre que la personne à qui elle s’adresse ait déjà choisi de devenir disciple. » Pour approfondir et chercher à opérer un discernement sur la première annonce, on lira avec intérêt : Service national de la catéchèse et du catéchuménat, Un appel à la première annonce dans les lieux de vie, CRER, 2008.

Célèbre formule du pape Paul VI, dans son encyclique sur l’évangélisation, Evangelii Nuntiandi au n°14.

Directoire général pour la catéchèse, n° 141.

Les évêques de France, Lettre aux catholiques, Proposer la foi dans la société actuelle, Cerf, 1997, p. 41).

Catéchisme de l’Eglise Catholique n°7.

Id n°168.

Texte national, p. 42.

Cf. Texte national : « l’expérience commune à tout le Peuple de Dieu reçue du Christ et de sa Pâque et vécue par chacun dans le même Esprit » p. 37.

Texte national, p. 75.

Texte national, p. 27.

Selon l’expression de François Moog, directeur de l’ISPC.

in, Tabga n°14, p.3, revue de la responsabilité catéchétique, éditée par le SNCC, sous la responsabilité de la Commission épiscopale pour la catéchèse et le catéchuménat.

Sur ce point, voir les nombreuses références dans le Texte national : « Dans l’Eglise, l’aîné dans la foi est frère en humanité de celui qui cherche ; faire une proposition catéchétique demande de se considérer soi-même comme un disciple en chemin à la suite du Christ. » (p. 48) ; « Rencontrer des frères ou des aînés dans la foi, avec leur grandeur et leurs limites, facilite une véritable entrée dans l’expérience chrétienne. » (p. 52) ; « Le catéchète […] ne peut pas en rester à une présentation personnelle de la foi chrétienne. Il a une responsabilité d’aîné et il doit transmettre ce qu’il a lui-même reçu de l’Eglise en fidélité au Magistère. » (p. 53).

  Texte national,  p. 48.

  Texte national,  p. 53.

Rappelons-nous ici de la célèbre formule du pape Paul VI : « L’homme contemporain écoute plus volontiers des témoins que des maîtres ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont aussi des témoins », Evangelii Nuntiandi n°41.

Cf. Texte national,  p. 49 : « démarche qu’il doit guider mais qui ne lui appartient pas » .

Cf. Henri Bourgeois, Redécouvrir la foi, Les recommençants, 1993.