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 11 novembre 2008

Introduction à la messe

 

         Nous voici rassemblés pour commémorer, par une prière pour la paix, le 90ème anniversaire de l’armistice de 1918… pour commémorer la fin d’une guerre atroce qui a décimé notre jeunesse française et celle d’autres pays belligérants… pour commémorer une victoire par les armes chèrement et pourtant fièrement gagnée afin d’acquérir la paix entre les nations mais d’abord dans nos maisons et nos cités. Nous en sommes les héritiers reconnaissants.

         Je salue respectueusement Mme le Préfet et les représentants de l’Etat, Messieurs les parlementaires et les conseillers régionaux et départementaux, les autorités militaires et les membres des associations des anciens combattants et des victimes des guerres et vous tous et toutes, sangs mêlés et religions unies dans ce même souvenir qui marque notre Histoire de France, d’Europe et du monde.

         La liturgie catholique fait qu’en ce même jour nous célébrons la fête de Saint-Martin, grande figure de paix et d’amour envers les autres. Que Saint Martin éclaire le chemin de notre désir partagé de paix, de fraternité et de pardon mutuel !

 

 

Homélie

 

         La Grande Guerre 14-18 fut marquée, nous disent les historiens aujourd’hui, par l’héroïsation des soldats ordinaires, les « poilus » comme on dit et ce jusqu’à honorer « le soldat inconnu ». A la différence de notre vision des guerres napoléoniennes où l’on célèbre d’abord les maréchaux et l’Empereur, la guerre de 1914 magnifie les humbles des tranchées et les « gueules cassées ». De sorte que la victoire de 1918 n’est pas vue d’abord comme celle des généraux mais comme celle des poilus, des soldats-citoyens, dont l’incroyable courage touche à la fois notre compassion devant les peurs et les souffrances qu’ils ont endurées et notre piété reconnaissante devant les tombes alignées du Nord et nos monuments aux morts. Notre héros de cette guerre 14-18 est modeste et le poilu ne sait pas qu’il est un héros. Et pourtant son image est devenue en quelque sorte sacrée et la mort du dernier d’entre eux, Lazare Ponticelli, fut bien ainsi honorée dans l’émotion de son décès. Comme nous honorons avec fidélité tous nos anciens combattants des guerres récentes. Comme nous avons été émus par l’annonce des dix soldats français morts il y a quelques mois en Afghanistan. Patriotisme et fraternité nous unissent à ces soldats se reconnaissant dans la défense de la République française ou dans la mission internationale de maintien de la paix en des pays lointains terrorisés.

Guerre pour la paix, maintien de la paix… mais à quel prix humain ! Ne nous faut-il pas entendre alors l’appel constant à établir une paix durable partout dans notre monde, dans notre pays et d’abord entre nous ? « Jamais plus la guerre ! », tel est le désir de tous. Mais la paix est sans cesse à construire et reconstruire tant est fragile notre tissu social et mondial. Outre les trop nombreux conflits régionaux de notre planète, la crise financière et économique actuelle nous fait craindre actuellement ses conséquences sur nos relations.

 

         Cette paix de la fraternité issue des tranchées d’hier et vécue, malgré tout, dans nos rues d’aujourd’hui est tout d’abord le fruit d’une attitude de respect envers les autres et de non-violence en soi-même envers l’autre, tout autre qu’il soit. Elle peut être nourrie - et c’est ma conviction de foi – par le message évangélique. Jésus nous en a livré le secret dans cette si forte parabole du jugement final fondé sur l’amour des autres. Jésus nous en a donné l’insurpassable exemple jusqu’à donner sa vie, lui innocent, pour le salut de tous les hommes sans distinction. Jésus invite ses disciples à en vivre et ce Saint Martin que l’Eglise catholique vénère en ce jour fut à son époque témoin de la paix dans la charité. C’est un saint chrétien mais son exemple s’adresse à tous, aujourd’hui, quelle que soit notre religion ou notre incroyance.

         Martin connaissait l’Evangile de Jésus : « J’avais faim et vous m’avez donné à manger…J’étais un étranger et vous m’avez accueilli… J’étais nu et vous m’avez habillé… J’étais malade et vous m’avez visité… J’étais en prison et vous êtes venus jusqu’à moi… ». On raconte que, pour répondre à cet appel évangélique, ce jeune soldat romain a partagé son vêtement avec un pauvre d’Amiens. Il garda une part pour honorer sa mission civique de soldat et prit une autre part pour honorer le partage avec tous selon l’Evangile. Couper son manteau n’était pas un acte provocateur de totale séparation entre la part due à l’Empire romain et celle due à sa foi chrétienne. Martin les associait dans un acte de charité envers plus pauvre que lui : acte qui disait sa position sociale et sa foi, sa liberté religieuse et sa solidarité humanitaire. Partager notre manteau : bel exemple pour aujourd’hui encore dans notre vie commune et la recherche de la paix !

 

         Pour gagner la paix, les poilus de 14-18 n’ont-ils pas partagé la fraternité des tranchées entre blancs et noirs, cléricaux et anticléricaux, pauvres et nantis, et, à certains moments exceptionnels, comme à la Noël 1914, entre les ennemis face à face ? Un exemple à remettre sans cesse en valeur aujourd’hui pour gagner la solidarité entre tous comme un vrai combat d’humanité !

 

 

        

+ François-Xavier Loizeau, évêque de Digne