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le message du vicaire général

février 2013

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''L'extension du mariage aux personnes de même sexe :   pour un vaste débat de société''
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Ce mois ci, l’éditorial prend une forme un peu particulière. Je vous propose la lettre ouverte que j’ai adressée au Parti Communiste Français du 04 et à une personne se réclamant de la Libre Pensée, suite à leurs propos rapportés dans un journal local au sujet de la possible extension du mariage aux personnes de même sexe. Au-delà des personnes précises à laquelle s’adresse ma lettre, j’espère humblement que cette dernière permettra d’y voir un peu plus clair sur les enjeux d’une possible mutation profonde de notre législation concernant le mariage et qui pourrait transformer radicalement les modalités des relations fondatrices de notre société, comme le rappelait le cardinal Vingt Trois, et ce,  alors que la discussion vient de s’ouvrir au Parlement. J’espère, modestement et à mon niveau, participer à la nécessaire confrontation, non des personnes, mais des idées.

J’étais à Paris avec une délégation du 04 pour la manifestation qui a rassemblé au moins 800 000 personnes malgré ce que disent les statistiques officielles  Plusieurs fois j'ai été profondément ému de voir toutes les générations rassemblées, des bébés aux personnes âgées, des familles nombreuses à des personnes seules, réunies non pour fustiger les personnes homosexuelles et ce qu'elles peuvent vivre, non pour leur refuser certains droits légitimes, mais pour alerter des conséquences de l'actuel projet de loi sur la famille, sa place dans notre société et la filiation de l'enfant ! Parfois on a l'impression d'être les seuls à croire et à défendre certaines valeurs, que ce soit au plan humain ou chrétien. La manif de dimanche démontre que ce n'est pas le cas et encore, tous ceux qui partagent cette même vision de l'homme n'étaient pas dans la rue ! Que va faire le gouvernement démocratique de la République face à une telle clameur? Nous verrons. Que faire en attendant et après avoir manifesté? Prier, afin que l'Esprit Saint éclaire la conscience de chacun. Il est le maître de l'impossible!

Le prêtre que je suis est vraiment ému et touché par la mobilisation de tant de laïcs généreux (mais aussi de ses frères prêtres)! Je reviens plus fort pour défendre dans l'Eglise et le monde, avec fermeté mais aussi douceur et respect, une certaine idée de l'homme.

 

Père Christophe Disdier-Chave,

vicaire général 

 

RCF04:  Et Si on Parlait ensemble spécial rentrée

Voeux de MRG LOIZEAU, le Mariage Pour tous avec Christophe DISDIER CHAVE et la visite AD LIMINA.

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Messieurs,

Lecteur occasionnel du journal local dans lequel vous êtes intervenus quelle ne fût pas stupéfaction à la lecture des propos qui vous sont prêtés dans l’édition du 24 décembre dernier. En tête de cet article (p. 2 du journal) il est dit (sans les nommer explicitement) que « syndicats, associations et partis politiques de la gauche bas-alpine s’insurgent contre l’appel à manifester du diocèse contre le mariage pour tous ». A l’appui de cette réaction, il est cité l’édition du journal en date du 20 décembre 2012. Ayant lu également cette édition j’y ai de fait remarqué qu’à la une, puis en page 5, il était écrit que « l’évêque appelle à manifester contre le mariage homosexuel ». Avant de vous « insurger », l’honnêteté aurait été de vérifier qui Monseigneur Loizeau appelait à manifester et dans quel cadre il l’avait fait. Je tiens, à cet effet, à votre disposition le dossier remis aux journalistes lors de la conférence de presse tenue à l’évêché le 19 décembre dernier. Le message de l’évêque est adressé à « ses chers diocésains ». L’appel n’a été relayé que dans les églises paroissiales. Lors de la conférence de presse jamais l’évêque de Digne ne s’est permis d’appeler à la manifestation de manière générale. Il est très soucieux, lui, de la stricte séparation de l’Eglise et de l’Etat et du principe de laïcité ! Vous invoquez ce principe de laïcité ! J’aimerais bien, d’abord, savoir ce que vous mettez sous ce mot et cette réalité qui, telle qu’elle est vécue en France du moins, est assez éloignée de l’esprit et de la lettre de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. La laïcité n’est pas l’exclusion des religions hors de l’espace public ! Il vous faudrait relire les textes fondateurs ! Permettez-moi, avec tout le respect que je vous dois, de vous demander à vous de respecter strictement la séparation de l’Eglise et de l’Etat et de ne pas vous immiscer dans les prises de position de l’évêque auprès de son diocèse ! Est-ce que je m’occupe des appels que vous pouvez lancer au sein de vos cellules ou associations ? Non seulement la séparation de l’Eglise et de l’Etat ne nous est pas insupportable, comme vous le dites, mais nous vous demandons de la respecter strictement. Cette séparation s’est faite dans la douleur en 1905, mais elle est un fait et un bien nous laissant une grande liberté d’action et de parole ce que nous ne pourrions pas faire si nous étions inféodés à l’Etat. Tous vos propos laissent apparaître une profonde méconnaissance de l’évolution de l’Eglise !

Quant à vos propos, M. « le militant de la Libre Pensée bas-alpine », envers Mgr Loizeau dans la lettre ouverte que vous lui adressez, propos repris dans le journal, ils sont non seulement outranciers mais pourraient mériter le même qualificatif que celui employé par Monsieur le Premier Ministre concernant une autre affaire ! De tels propos, qui plus est approximatifs historiquement, ne méritent pas d’être commentés. Les fidèles de l’Eglise catholique, mais plus largement les partisans de la vraie liberté de pensée, et surtout de la raison droite, apprécieront vos paroles qui semblent faire un parallèle entre la mise sur le devant de la scène de Mgr Loizeau concernant l’extension du mariage pour tous et les faits de collaboration avec un régime infâme de la part de certains clercs lors de la seconde guerre mondiale. Vous semblez oublier les hauts faits de résistance de nombreux prêtres et laïcs de l’Eglise catholique, notamment dans notre département. De telles généralités et approximations historiques sont une insulte à leur mémoire ! 

Oui, au risque de vous déplaire, nous réinvestissons (mais nous ne l’avons jamais désinvestie) non l’arène politique-politicienne mais l’arène politique au sens noble de ce terme c'est-à-dire à tout ce qui touche au vivre ensemble et aux conditions de ce vivre ensemble. L’extension du mariage aux personnes homosexuelles est un choix politique et social. Et l’Eglise, dans le respect de la loi de séparation, a le droit de faire entendre sa parole comme un des acteurs de la vie commune. Elle est composée de femmes et d’hommes qui sont citoyens de la République au même titre que vous et qui ont le droit de s’exprimer pour demander un vaste débat de société impliquant philosophes, anthropologues, juristes, représentants des différentes familles spirituelles de notre pays, y compris les représentants de la Libre Pensée. Ne trouvez-vous pas pour le moins curieux que l’actuel gouvernement crée des commissions, des groupes de réflexion pour tout sujet économique ou social qui ne réunit pas un large consensus et qu’il n’y ait aucun débat public concernant ce qui serait une première anthropologique, l’ouverture au mariage de couples du même sexe ?

Le journaliste, qui semble bien connaître l’anthropologie, m’étonne cependant dans le texte qu’il écrit au cœur de l’article du 24 décembre. Certes, il existe plusieurs anthropologies mais aucune, pas même celle des grecs et des latins qu’elle cite, n’a jamais remis en cause la différence des sexes. Même cette société, très tolérante aux pratiques homosexuelles, n’a jamais organisé que les relations affectives entre personnes de sexe différent ! C’est donc bien au nom d’une anthropologie commune et universelle que l’évêque (ancien professeur de philosophie) a parlé et non au nom de l’anthropologie chrétienne d’abord. Sur ce point elle ne diffère d’ailleurs pas de toutes les autres.

 

 

Avec beaucoup de respect également, je vous invite, M. le secrétaire départemental du PCF, a plus de rigueur intellectuelle avant de parler et de n’approprier qu’à la gauche les progrès et la défense de la famille. Je suis effaré par vos affirmations ! L’égalité homme et femme est inscrite dès la première page de la Bible, le mariage libre de toute contrainte politique et sociale fait partie de la pratique de l’Eglise depuis toujours de même que le mariage d’amour ! Qui a institué pour la première fois l’éducation des jeunes filles mais aussi des enfants en général ? L’Eglise ! Qui a commencé à s’occuper des pauvres, des malades, des orphelins ? L’Eglise ! Certes nous avons des motifs de faire repentance en bien des domaines. Le Pape Jean-Paul II, puis Benoît XVI l’ont abondamment fait ! Mais nous avons aussi des motifs de  juste fierté ! Qui est aux avant-postes dans bien des pays pour la lutte contre l’exclusion et les atteintes aux droits de l’homme ? L’Eglise, pas seule, certes, nous n’avons pas cette prétention mais elle est largement présente !

Avez-vous lu les ouvrages de Régine Pernoud ? Elle n’est pas, à ce que je crois savoir, la porte-parole de l’Eglise catholique ! Elle montre bien que tant que le droit chrétien a été celui de la société française, la femme avait un statut d’égalité avec l’homme ! Les choses vont changer à la Renaissance et c’est avec le Code Napoléon (calqué sur le droit romain, donc un droit païen), qu’elle va retrouver un statut de mineure par rapport à son père, puis à son mari.

Je m’insurge, Monsieur, que vous puissiez dire que « ce projet de loi aura déclenché les passions homophobes, rétrogrades, réactionnaires, humiliantes et parfois violentes orchestrées par la droite conservatrice, l’extrême droite avec le soutien de toutes les autorités religieuses » ! Vos propos sont indignes. Dans la conférence de presse du 19 janvier, propos relayés par les journaux, il a clairement été dit que l’Eglise s’opposait aux discriminations dont peuvent être victimes les personnes homosexuelles. L’évêque de Digne s’est clairement démarqué, à la suite des évêques de France, des propos et actions de minorités se réclamant du catholicisme mais que nous condamnons fermement. Je ne vous permets pas d’associer l’évêque de Digne à ces minorités dont nous désapprouvons le discours et l’action. Mais évidemment, comme le dit l’expression populaire, « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », c’est ce que vous faites dans les propos que le journal rapporte.

Le 13 janvier nous ne manifesterons pas contre l’homosexualité. Encore une fois, nous nous opposons à la discrimination envers les personnes. Mais le refus des discriminations n’empêche pas le discernement. Dans vos propos, et le projet de loi du gouvernement, on confond égalité et identité. Ce sont deux choses différentes. Les personnes homosexuelles, mais je ne devrais même pas le dire tellement c’est évident, sont égales en dignité et en droit, aux personnes hétérosexuelles ! Mais est-ce une raison pour les aligner, légalement, sur les personnes hétérosexuelles, alors que justement, elles ne cessent de clamer leur différence. Le PACS existe. Qu’il demeure le pacte, le contrat, qui unit deux personnes de même sexe et gardons le mariage pour les personnes hétérosexuelles. Que les personnes homosexuelles ne soient pas lésées fiscalement, patrimonialement, certes ! Mais il suffirait pour cela de revoir et d’élargir les dispositions contenues dans le PACS.

Je crois que le grand problème de notre société, et les propos de M. le militant de la Libre Pensée au sujet de la « théorie du genre » le reflètent bien, c’est celui de la transcendance ! Je ne parle pas ici de transcendance religieuse mais anthropologique, à savoir la reconnaissance de lois qui nous dépassent et qui nous structurent. Et nous ne sommes vraiment humains que dans l’écoute de ces lois. La différence des sexes et des générations en fait partie quelle que soit l’anthropologie à laquelle on se réfère. Bricoler à notre guise ces « interdits fondateurs » (ne pas respecter la différence des sexes et des générations) de toute société humaine est un danger. La différence des sexes est un donné de la nature. On nous invite, à juste titre, à une plus grande écoute et respect de la nature, pourquoi la nature humaine en serait-elle exclue ? Certes, la différence des sexes a parfois été utilisée comme instrument de domination d’un sexe sur l’autre et ce n’était pas normal, mais le refus de cette discrimination ne doit pas nous faire évacuer ce donné de la nature. L’égalité des sexes ne vient pas de leur identité mais justement de leur différence. Nous sommes égaux mais différents, la différence étant source de richesses et de complémentarité. Chaque sexe apporte à l’autre les richesses qui lui sont propres.  

Un autre problème de notre culture est celui de la conception que nous nous faisons de la liberté humaine qui pourrait, pour satisfaire ses désirs et aspirations, remettre en cause l’anthropologie elle-même.

Je ne développe pas les arguments qui vont contre l’ouverture de la filiation aux couples homosexuels et la suppression des termes « mère » et « père ». Une nouvelle discrimination va d’ailleurs apparaître si l’on ouvre la PMA aux seuls couples de femmes. Qu’en diront les hommes concernés ? Irons-nous alors plus loin encore en ouvrant la possibilité des « mère porteuses » pour permettre aux couples d’hommes d’avoir un enfant ? On nous parle des « droits » des couples, rarement de celui des enfants ! Les droits des adultes, qui ne doivent pas se comporter comme des adolescents à qui tout serait dû, doivent prendre en compte les devoirs qui y sont liés !

Ce projet de loi est un risque pour la cohésion sociale. Je me méfie des sondages, résultats de la façon dont sont posées les questions, mais à en croire ceux dont nous disposons, il y a 60% des français qui sont favorables à l’extension du mariage aux personnes homosexuelles et presque 50% qui s’opposent à l’ouverture à la filiation ! Parmi les opposants il y a des députés de gauche mais qui n’auront pas la possibilité, eux non plus, de faire jouer la liberté de conscience ou d’exprimer un avis divergent. Bravo les démocrates !

 

Si vous trouvez qu’il y a un large consensus ! Un tel projet divise et nécessiterait donc un vaste débat, débat que nous réclamons, tel est l’objet de la manifestation du 13 janvier.

Voilà, Messieurs, franchement et respectueusement, ce qui m’habite à la lecture des propos qui vous sont prêtés. Je suis ouvert à discuter de cela avec vous, car je suis républicain, démocrate, ouvert à celles et ceux qui ne pensent pas comme moi, respectueux d’une véritable liberté de pensée.

Père Christophe Disdier-Chave

 

 

 
 

           

         

 

 
 
 
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