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Homélie sur Luc 9, 18-24 ; Za 12, 10-13, 1 ; Ga 3, 26-29 pour Ordination
Parmi les évangélistes, Saint Luc est celui qui nous montre le plus souvent Jésus en prière, notamment aux grands moments de son ministère auprès des Apôtres. Cela se passe ainsi avant le choix des Douze (6, 12), avant la transfiguration qui les soutiendra au temps d’épreuve (9, 29), avant l’enseignement du « Notre Père » (11, 1), comme au moment de demander leur adhésion de foi avant de leur annoncer sa Passion (9, 18). La mention de la prière de Jésus désigne l’importance de ces événements. Jésus prie alors pour purifier et fortifier la foi de ses Apôtres, ainsi qu’il le dira à Pierre juste avant l’arrestation au Jardin des Oliviers: « J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas » (22,32). |
Il en est ainsi aujourd’hui même, Jésus est en prière, avec ses « disciples » qui sont là, c’est-à-dire avec nous tous qui sommes là en prière avec Lui, à un moment si important de la vie de ces ordinands et de la vie de notre Eglise. Jésus prie pour nous et avec nous. Restons tous dans cet état de prière en sa présence !
En fait, les « disciples » (9, 18) dont il s’agit dans ce passage évangélique, ce sont d’abord les « Douze », eux que Jésus a choisis comme compagnons de route et de vie parmi les disciples pour en faire des « Apôtres » (6, 13). Ceux-ci doivent avoir une foi éclairée et affirmée. C’est à eux que Jésus pose la question de confiance : « Pour vous, qui suis-je ? », question qui appelle la réponse la plus personnelle qui soit, réponse communautaire en même temps. Pierre, dans un cri surgi de sa foi, prend alors la parole, personnellement et au nom des Douze: « (Tu es) le Messie de Dieu » (9, 20). Ce titre donné est important dans la foi juive. Pour Pierre, ce jour-là, ce titre devait receler sans doute quelque chose des espoirs trop seulement humains des contemporains de Jésus, mais c’est au moins le début d’une compréhension plus profonde de ce qu’est Jésus et de son ministère de salut. C’est à cause de cette foi encore trop terrestre que Jésus demande à ses Apôtres ne pas révéler maintenant ce qu’ils viennent d’entrevoir de son mystère et de sa mission. Ils ne doivent pas divulguer cela avant que Jésus n’ait montré comment il doit accomplir sa mission de Messie. Or, la mission, pour laquelle il a reçu l’onction de l’Esprit, « il faut » qu’il l’accomplisse par sa Mort et sa Résurrection. C’est bien cela qu’il annonce tout de suite à ses Apôtres. : « Il faut que le Fils de l’Homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté…, qu’il soit tué et que, le troisième jour, il ressuscite »(9, 22). Lorsque Jésus interdisait à ses Apôtres de dire qu’il était « le Messie de Dieu » et qu’il expliquait cette interdiction en annonçant sa Passion et sa Résurrection, cela signifiait que le véritable sens du mot « Messie » ne pourrait être dévoilé que par l’accomplissement du Mystère Pascal ; cela signifiait aussi que seule la Résurrection éclairerait la mystérieuse nécessité de la Passion pour le salut de tous. Alors, les Apôtres pourront parler et annoncer à tous cet Evangile de salut. Mais, pour accueillir ce Mystère pascal du Christ, ses Apôtres doivent aussi remplir une condition : celle de « marcher à la suite de Jésus, de renoncer à soi, de prendre sa croix chaque jour et de perdre sa vie pour lui ». Il en est ainsi pour nous et les ordinands d’aujourd’hui. Car cette invitation de Jésus s’adresse, selon le texte de St Luc, « à la foule » (9,23), c’est-à-dire à nous tous. Et la question que Jésus nous adresse est la plus intime à résoudre qui soit, qu’elle soit formulée ou non : « Qu’est-ce qui nous fait vivre ? ». Cette réponse très personnelle prend corps en même temps dans une réponse communautaire, celle de l’Eglise que nous formons.
Pour nous, nommer avec foi le « Messie de Dieu », c’est donner sens à notre vie en vivant comme Lui. Suivre sa route, c’est forcément passer par le calvaire, la souffrance et la mort pour avoir part à la vie de ressuscité. Jésus ne joue pas avec les mots car il annonce que celui qui veut le suivre portera sa croix tous les jours. La fidélité au quotidien, le refus de la sécurité à tout prix, la dépossession de soi pour laisser la place à Dieu et aux autres, voilà la totalité de la réponse à la question de Jésus : « Pour vous, qui suis-je ? ». A cette question qui nous interpelle, nous pouvons répondre aujourd’hui : Tu es l’Envoyé de Dieu, pour nous qui sommes « fils de Dieu par la foi » ! Notre baptême nous a unis à Toi pour toujours et nous T’appartenons pour toujours, comme le disait St Paul. Nous nous engageons ainsi à Te suivre chaque jour de notre vie ! La Parole de Dieu, entendue et priée, fait ainsi entrer notre existence crucifiée dans le Sacrifice pascal du Christ, « Mystère de la foi ». Suivons tous avec confiance « le Messie de Dieu » !
Tirés de la foule, choisis parmi les disciples, les diacres et les prêtres sont appelés spécialement à reconnaître Jésus pour ce qu’il est lui-même, en méditant chaque jour les Saintes Ecritures, la Parole de Dieu éclairée par le Mystère pascal de Jésus. Ainsi selon les lectures de ce 12ème dimanche ordinaire, Jésus est annoncé par le prophète Zacharie comme « un fils unique » : Il est l’un de nous mais surtout le Fils unique et bien-aimé du Père ! Il est « un premier-né » mais surtout Il est le « fils premier-né » de Marie (Lc 2,7), le « premier-né consacré au Seigneur » (Lc 2,23), mais surtout encore « le premier-né d’entre les morts » (Col 1,18, Ap 15,5) et « le premier-né d’une multitude de frères » (Rm 8,9), Lui Dieu-homme qui nous entraîne le premier dans sa Mort et sa Résurrection ! Il est Celui vers qui nous « levons les yeux, Lui qui a été « transpercé » sur la Croix pour nous sauver par sa Mort et sa Résurrection. C’est Lui que nous annonçons ! On comprend alors qu’aux prêtres, il soit demandé d’« accomplir fidèlement le ministère de la Parole, c’est-à-dire d’annoncer l’Evangile et d’exposer la foi catholique ». Le livre de l’Evangile est remis dans les mains des diacres pour qu’ils soient « attentifs à croire à la Parole qu’ils liront, à enseigner ce qu’ils auront cru, à vivre ce qu’ils auront enseigné ». La Parole ainsi contemplée et enseignée donne une grande connaissance et une proximité de vie avec le Seigneur Jésus, Lui qui est « le Grand Prêtre et l’Apôtre que notre foi confesse». Nous recevons de Lui « l’héritage » de la Vie éternelle que Dieu a promis à la descendance des croyants depuis Abraham ! La « source » vive de la foi jaillit de son cœur « transpercé ». La Croix est plantée dans notre vie depuis le jour de notre baptême et la Résurrection en jaillit « chaque jour » en baptême de Vie. Les sacrements que nous célébrons nous le rappellent, plus encore, ils en sont le mémorial. L’Eucharistie, en particulier, nous donne de nous identifier « chaque jour » au mystère de la Croix du Seigneur pour participer à sa Résurrection jusqu’au « Jour » de son Retour glorieux. Quelle grâce pour nous d’en être les ministres ! Diacres, l’Eglise nous demande de « conformer toute notre vie aux exemples du Christ dont nous prenons sur l’autel le Corps et le Sang pour le distribuer aux fidèles ». Prêtres, l’Eglise nous demande de « nous unir, de jour en jour davantage au Souverain Prêtre Jésus-Christ, qui s’est offert pour nous à son Père et, avec lui, nous consacrer à Dieu pour le salut des hommes ». Au début de son homélie de conclusion de l’Année sacerdotale, notre Pape Benoît parle de « la grandeur et de la beauté du ministère sacerdotal » en ces termes : « Le prêtre fait quelque chose qu’aucun être humain ne peut faire de lui-même : il prononce au nom du Christ la parole d’absolution de nos péchés et il transforme ainsi, à partir de Dieu, la situation de notre existence. Il prononce sur les offrandes du pain et du vin les paroles d’action de grâces du Christ (…) qui le rendent présent, Lui, le Ressuscité, son Corps et son Sang, et transforment ainsi les éléments du monde, par des paroles qui ouvrent le monde à Dieu et l’unissent à Lui (…). Dieu considère des hommes capables d’agir et d’être présents à sa place, tout en connaissant leurs faiblesses ». Selon le rituel de l’ordination, les prêtres peuvent alors prendre et saisir dans leurs pauvres mains la patène de pain et le calice de vin qu’ils reçoivent, pour « présenter à Dieu l’offrande du peuple saint » et pour « distribuer à tout le monde » (Lc 9,13) les dons de Dieu.
Le passage d’Evangile qui guide notre méditation fait suite, chez St Luc, au récit de la multiplication des pains (Lc 9, 10-17), où la mission des Apôtres est soulignée comme le prolongement de la mission du Christ de compatir et de nourrir la foule. C’est une mission de service, à l’image du Christ Serviteur de tous. Cela fait partie de la mission des prêtres et des diacres, vécue dans la pauvreté, la chasteté et l’obéissance, comme des « oui » pour le service d’amour. Au cours de notre prière, nous demanderons pour le diacre de « faire preuve d’une charité sincère, de prendre soin des malades et des pauvres ». Le diacre Jean a vécu cela de près pendant une vingtaine d’années au contact des personnes du service de neurologie de l’Hôpital parisien de La Pitié-Salpêtrière et dans l’attention quotidienne envers son épouse handicapée. Franck, lui, a commencé à rencontrer les malades de l’Hôpital de Sisteron. Leur mission, à l’un et à l’autre, continuera auprès des blessés de la vie mais aussi dans l’attention à la foule des personnes qui cherchent un sens à leur vie souvent blessée, à la foule des hommes d’affaires soucieux de rentabilité, à la foule des jeunes soucieux de leur avenir… La prière-préface eucharistique propre à l’ordination des prêtres et diacres souligne qu’« ils auront à se dévouer au service du peuple de Dieu pour le nourrir de la Parole et le faire vivre des sacrements ; ils seront de vrais témoins de la foi et de la charité, prêts à donner leur vie comme le Christ pour leurs frères et pour Dieu ». C’est pourquoi le Saint Curé d’Ars pouvait si bien résumer le sacerdoce comme « l’Amour du cœur de Jésus » !
Qu’ « en suivant ainsi Jésus, venu pour servir et non être servi, nos ordinands (l’un et l’autre dans la part de ministère qui leur sera confiée) obtiennent de partager sa gloire » en perdant leur vie par amour pour Lui et leurs frères et sœurs humains, en prenant leur croix chaque jour pour Le suivre de façon préférentielle à tout, et pour servir, à cause de Lui, la cause humanitaire de façon totalement désintéressée, dans l’Amour-Charité ! Qu’en accomplissant leur ministère de prêtre ou de diacre, ils soient notre joie, la joie du peuple de Dieu, la joie de tous ceux et celles qui attendent une Espérance ! Ils sont dès maintenant la joie de Dieu ! Amen ! |