Le
Conclave de l’Esprit
Témoignage du cardinal-archevêque de Marseille
Mgr Bernard Panafieu.
Le clergé du diocèse de Digne,
rassemblé autour de « leur » cardinal de
Marseille, de retour de Rome, a eu la chance de recueillir
« à chaud » son beau témoignage
. Je souhaiterais ici vous partager mon propre émerveillement,
qui fut aussi celui de tous mes confrères, à
l’écoute de cette expérience vraiment
exceptionnelle. Voici, vécu de l’intérieur,
ce que les médias n’ont pas pu percevoir de ce
conclave de l’Esprit !
« À l’occasion de la mort
de Jean-Paul II, nous avons d’abord vécu des
évènements surprenants. À Marseille par
exemple la cathédrale la Major a été
littéralement envahie par des milliers de gens venus
des quartiers nord pour une véritable communion populaire
! À Rome on a même dit que le pape avait vécu
ses dernières J.M.J., accompagné qu’il
fut pour ses obsèques par des centaines de milliers
de jeunes en prière ! Et puis il y eut aussi cette
présence des chefs d’états, authentiquement
émus, et non pas en représentation. J’ai
alors ressenti très fortement ce qu’est le mystère
de notre Église, pauvre et fragile, qui ne tient qu’à
un fil, mais c’est le fil de l’Esprit-Saint !
Mon bonheur d’appartenir à cette Église
a grandi en ces jours.
Et puis ce fut l’expérience toute
nouvelle pour moi, comme pour la plupart des autres cardinaux,
d’un conclave. Pendant douze jours il y eut d’abord
le pré-conclave : un temps de réflexion du collège
cardinalice sur les grands défis de notre monde aujourd’hui.
Une vraie liberté de parole sur les plus difficiles
questions de société. Celui qui n’était
encore que le doyen du sacré collège, Joseph
Ratzinger, orchestra alors avec respect et délicatesse
ce grand concert d’Églises, qui semblaient parfois
comme éclatées ! Comment allait se passer le
conclave ? Il serait long certainement, et vécu dans
un climat difficile, pensait-on. Des tendances, des courants
s’affichaient, dans une incroyable pression médiatique
( six mille journalistes présents !), et politique
: le président Bush avait par exemple réuni
tous les cardinaux des États-Unis dès son arrivée
! De toutes parts des groupes de pression, y compris à
l’intérieur de l’Église, étaient
en pleine ébullition !
Enfin arriva le grand recueillement du conclave.
Dans la maison Sainte-Marthe, volets et portes scellées,
pas de télévision ni de radio, pas de journaux
ni de portables. Enfin libres ! Le groupe des cardinaux se
transforme alors à vue d’œil. Chacun seul
devant sa conscience. Plus de conciliabules. Une ambiance
de gravité et de sérénité s’installe
alors. Entrée solennelle dans la chapelle Sixtine,
rythmée par la litanie des saints. L’Église
du Ciel était aussi présente ! Puis chaque électeur
prête serment sur la Bible. Un serment qui l’engage
en conscience sur un nom. Quel était celui choisi dans
le cœur de Dieu ? Voilà quelle devait être
notre unique préoccupation, en dehors de toute tactique
électorale.
Le vote se déroule ensuite comme une
véritable liturgie. En habits sacerdotaux, l’électeur
dépose son billet sur une patène, puis un assesseur
le verse dans un calice posé sur l’autel. C’est
une véritable célébration qui se déroule
dans un climat de retraite spirituelle et dans le grand silence
de la prière. Quel contraste avec l’agitation
extérieure ! Peu à peu, ce n’est pas un
consensus mais une véritable communion qui s’instaure
parmi nous et, stupéfaction, le nom de celui qui était
dans le cœur de Dieu apparut rapidement. Joseph Ratzinger
s’abîma un court instant, la tête plongée
dans les mains, puis il se redressa prestement pour acquiescer
au choix de l’Esprit qui nous le désignait.
Son nom serait Benoît. »
Père François Marot
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