Sépulture du Père René BUFFE
Barcelonnette, le 12 novembre 2008,
Le Père
Buffe, un homme de caractère !
Pourquoi
tant d’intérêt, d’amitié, d’affection
même, à l’adresse de vos prêtres, chers
amis ? Pourquoi un tel attachement pour le père
René Buffe en particulier ?
Au-delà des
motifs humains bien légitimes qui vous attachent à vos
prêtres, il y a au plus profond ce qu’il faut bien
appeler le mystérieux attrait du prêtre, une personne
marquée d’un caractère très particulier.
L’Eglise a tenté de définir cela dans ses
conciles et dans ses dogmes ; elle dit par exemple que c’est
cette Onction du Saint-Esprit lors de leur ordination qui marque
les prêtres d’un caractère spécial
et qui, les configurant au Christ Prêtre lui-même, les
rend capables d’agir au nom du Christ comme Tête
du Corps de l’Eglise.
Eh
bien voilà exactement ce
que ressent instinctivement le peuple de Dieu devant leur prêtre,
sans pouvoir forcément le formuler clairement. Les belles
et austères définitions que donnent les dogmes
au sujet de cette présence particulière et unique
du Christ dans le prêtre sont en fait vécues au
quotidien par les fidèles. C’est ce que nous ressentons
confusément, et nous avec vous, vis-à-vis de ce
prêtre, René Buffe.
Le
père Buffe un homme de caractère ! Certes,
mais ce qui, peut-être à votre insu, vous a attachés à lui
c’est, plus profondément encore, un tout autre
caractère : son caractère sacerdotal.
C’est
ce caractère que possèdent tous les prêtres,
au titre de leur ordination, qui nous les rendent si attachants,
si nécessaires aussi.
« On
ne dira jamais assez que le sacerdoce est indispensable à l’Eglise,
disait Benoît XVI récemment à Lourdes.
Les prêtres sont un don de Dieu pour l’Eglise.
A l’école du curé d’Ars ne cessez
pas de redire qu’un homme ne peut rien faire de plus
grand que de donner aux fidèles le Corps et le Sang
du Christ, et de pardonner les péchés ».
Aux
enfants du caté notre saint curé d’Ars parlait
souvent du mystère du prêtre : « Tous
les bienfaits de Dieu nous serviraient à rien sans le
prêtre. A quoi servirait une maison remplie d’or,
si on n’avait personne pour nous ouvrir la porte ?
Le prêtre a la clef des trésors du Bon Dieu. C’est
lui qui ouvre la porte. Si tu vas voir la sainte Vierge ou un
ange : te confesseront-ils ? Non ! Te donneront-ils
le Corps du Christ ? Non ! Non, la sainte Vierge
ne peut pas faire descendre son divin Fils dans l’hostie.
Et tu aurais deux cents anges là, qu’ils ne pourraient
pas te pardonner tes péchés. Un prêtre le
peut. Il peut te dire : va en paix, je te pardonne. Il peut
dire : ceci est mon corps. Le prêtre est quelque chose
de grand ! »
L’arbre
ne doit pas en effet nous cacher la forêt. Le prêtre
est quelque chose de grand, moins par ses charismes personnels
- d’ailleurs le saint curé d’Ars en avait
si peu qu’il faillit être renvoyé du séminaire !-
que par la grâce de son Sacerdoce qui le conforme objectivement
au Christ.
C’est
le curé d’Ars, encore lui, qui met en garde contre
cette subtile tentation qui consiste à moins rechercher
le Christ, dans le prêtre, que
l’homme qui nous conviendrait :
« On
n’écoute que les prêtres qui nous conviennent,
disait-il, mais si c’est un prêtre qui ne
nous plaît pas, on se moque de lui. Il ne faut pas agir
comme ça. Vous faîtes passer du vin dans un entonnoir :
qu’il soit d’or ou de cuivre, si le vin est bon,
il est toujours bon. Quel que soit le prêtre, c’est
toujours l’instrument dont le Bon Dieu se sert pour faire
passer sa Bonne Nouvelle ».
Donc
le plus grand honneur que l’on puisse rendre aujourd’hui
au Père Buffe c’est de le remercier d’avoir été au
milieu de nous pleinement prêtre. Là résidait
cet attrait particulier qui lui venait de son union au Christ-Prêtre.
Mais bien sûr que René était en même
temps un homme de caractère et que ce caractère,
rude, entier, beau et rustique, comme les roches de l’Aupillon,
nous le rendait tellement attachant ; bien sûr que
ses prédications percutantes, directes, uppercut, souriantes
et parfois orageuses pour ne pas dire plus, ajoutaient un charme
certain à son témoignage. Mais, au-delà de
toutes ces belles colorations de sa pastorale, si merveilleusement
en harmonie avec la vie paysanne de sa chère vallée,
ce qui a compté pour ce prêtre, comme pour tout
prêtre d’ailleurs, c’est d’avoir conduit à Jésus,
d’avoir pardonné au nom de Jésus, d’avoir
donné Jésus, d’avoir aimé Jésus-Christ
et son Corps qu’est l’Eglise. Ce qui
doit rester quand un prêtre meurt c’est le Christ.
Voilà tout
l’héritage du prêtre !
« Si
le grain ne meurt.. » Et c’est si
vrai. Là est la seule et unique « réussite » du
prêtre : donner le Christ au monde, vivre et mourir
pour laisser seulement le Christ. La vocation du prêtre
n’est pas de laisser de beaux souvenirs, ni même
l’exemple de belles vertus, pourtant nécessaires à la
valeur de son témoignage, mais de laisser le Christ passer
dans sa vie et dans celle de ses paroissiens, ainsi que
dans sa mort. A la limite, la personnalité du prêtre
devrait s’effacer d’une certaine façon devant
celle du Christ-Prêtre qu’il représente, selon
la belle expression de St Jean-Baptiste : « Il
faut qu’il croisse et que moi je diminue ». On
pourrait très bien ne rien avoir à dire au sujet
d’un prêtre lors de ses obsèques sinon ceci :
Il a été prêtre de Jésus-Christ. Avec
certainement encore beaucoup à faire pour devenir ce que
je suis, prêtre de Jésus-Christ, c’est
ce que je souhaiterais que l’on puisse simplement
dire au jour de mes propres obsèques…
Ceci
dit je voudrais maintenant donner un petit témoignage à propos
du père et de la façon dont il m’a fait passer
le Christ à moi aussi ; car ne l’oublions
pas, le prêtre est d’abord un homme pauvre et pécheur
qui a besoin du Sacerdoce de ses frères prêtres.
St Augustin le rappelait :
« Si
je suis Prêtre pour vous, mais je suis d’abord
chrétien avec vous »
Comme
chrétien je me suis donc nourri du sacerdoce du père
Buffe comme vous. Et voici les images fortes qui me viennent à l’esprit :
Le
père Buffe catéchiste, avec ces bandes dessinées
composées par les enfants sur la vie de Jésus et
présentées comme une immense fresque tapissant
les murs de la chapelle. Le caté du père c’était
Jésus ! Combien d’enfants en seront marqués à vie.
L’un d’entre eux se prépare actuellement au
Sacerdoce en Italie. Jean-Baptiste a d’ailleurs fait parvenir
une petite croix en signe de reconnaissance pour sa vocation. Elle
a été ensevelie dans la tombe du père.
Le
père spirituel : avec cette dimension du prêtre,
parfois oubliée aujourd’hui, mais très présente
chez lui. Il avait beaucoup de fils et filles spirituels. Nombreux
sont présents ici aujourd’hui.
Le
confesseur pardonnant au nom de Jésus. Le père
savait se rendre disponible pour offrir ce sacrement si précieux.
On venait souvent se confesser à lui.
Le
célébrant de la Sainte Eucharistie, allant puiser
ses dernières forces pour concélébrer dans
la petite chapelle de l’hôpital. Ses dernières
prédications réduites à l’essentiel :
« Témoignez
de l’Amour du Christ ! », disait-il
seulement.
L’infatigable
pasteur : Lors de ses 60 ans de Sacerdoce, le journaliste
lui demande :
- « Alors,
père, c’est maintenant la retraite pour vous ? »
- « Pas
du tout, répondit le père, ici je poursuis mon
ministère, mais d’une autre façon ! » Le
témoignage qui aura « édifié » spirituellement tout
le personnel de l’hôpital.
Enfin
dans la maladie et l’ultime agonie, ce sera l’union
au Christ souffrant sans presque jamais se plaindre, avec si
possible en plus le petit sourire malicieux, et résigné vers
la fin.
Et
la mort dans le Christ, remettant l’esprit au moment même
de l’ultime touche de grâce au cours de l’onction
sainte, qu’il avait attendue pour partir.
p.
François Marot
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