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Merveilleux accueil que nous, pèlerins (trente-cinq personnes)
de trois diocèses français (Aix-et-Arles, Bayeux et
Digne), avons reçu de nos frères et sœurs catholiques
de Corée : une gerbe de délicatesses et l’expression
d’une profonde communion dans la foi !
Car c’est bien des liens de « communion » qu’il
s’agit entre nous. Une communion grâce au sang de martyrs.
En effet nous avons été reçus comme étant
de la famille des trois premiers missionnaires apostoliques (Laurent
Imbert, Pierre Maubant et Jacques Chastan), qui ont offert leur
vie avec les dix mille martyrs coréens des persécutions
du dix-neuvième siècle et pour que survive l’Église
catholique en Corée. Il y a là le fondement d’une
reconnaissance mutuelle qui ne peut s’oublier, car les fruits
sont manifestes des deux côtés.
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Notre communion dans la foi s’est exprimée
dans des célébrations très émouvantes
aux lieux mêmes où sont vénérées
les reliques de « nos » trois saints : dans la crypte
de la cathédrale de Séoul (faite de briques grises
et rouges pétries avec le sable du rivage du fleuve Han,
où eut lieu le martyre, le 21 septembre 1839), dans deux
sanctuaires récents de Séoul dédiés
aux martyrs et en cette paroisse de Samsungsam, dite «
paroisse des trois saints », dans la banlieue de Séoul. |
Toute la paroisse, qui nous avait invités (en lien avec
l’Association des Martyrs de Corée), s’était
mobilisée pour nous accueillir et ensuite pour nous emmener,
en faisant chemin de croix, par un sentier de montagne, jusqu’au
lieu où ont été cachés puis vénérés
les corps de Laurent, Pierre et Jacques (avant d’être
transférés dans la crypte de la cathédrale
de Séoul). Là a eu lieu d’abord une prière
accompagnée d’une offrande de fleurs sur les cénotaphes
bien entretenus ainsi que la plantation d’un arbre dans la
terre provenant de Marignane, de Vassy et de Marcoux mélangée
à la terre de Corée. Là se déroula une
longue et fervente messe, suivie par plusieurs centaines de personnes
abritées sous des parapluies protégeant les costumes
traditionnels. Là furent signés des actes de jumelage
entre les paroisses françaises et cette paroisse coréenne
qui veut garder la fidélité d’une mémoire
vivante. Ce fut le sommet de notre pèlerinage.
Personnellement, je suis allé, avec M. et Mme Buzelin,
dans l’une des paroisse, à deux cents kilomètres
au sud de Séoul, qui garde le souvenir du séjour
du père Jacques Chastan.  Mme
Buzelin en fait le récit. Dans la simplicité
de la démarche et du lieu (une vallée), la mémoire
du saint de Marcoux était inscrite et parlante. |
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Notre communion dans la foi autour de nos saints martyrs s’est
élargie au partage entre Églises-sœurs. Nous
avons dit les atouts et les faiblesses de notre Église en
France, riche de son histoire missionnaire mais confrontée
à une sécularisation qui rend anémique. Nous
avons admiré la croissance rapide d’une Église
en Corée, qui est passée de quatre cent cinquante
mille catholiques en 1960 à quatre millions cinq cent mille
en 2005 (il y eut cent trente mille baptêmes d’adultes
en 2004), de 1,8% de la population à 9,3% et de deux cent
quarante prêtres en 1960 à trois mille six cents aujourd’hui.
Nous avons été impressionné par l’importance
des conseils et des mouvements de laïcs et par la ferveur des
célébrations. Nous avons compris que la notoriété
de l’Église catholique en Corée était
liée à la fierté de ses origines (aux dix-huitième
et dix-neuvième siècles) reconnue par la canonisation
de cent trois martyrs en 1984, à son engagement social envers
les plus pauvres de cette société en grande croissance
économique et à son engagement actuel dans des «
missions étrangères ». Nous avons perçu
en même temps la grande souffrance de ces chrétiens
du Sud de ne rien connaître de la vie des communautés
chrétiennes qui existaient en Corée du Nord il y a
cinquante ans. Une jeune fille étudiante, récemment
baptisée, nous a confié pourquoi elle était
catholique : « Dans un monde en progrès économique
et scientifique, la foi m’est apparue comme le meilleur moyen
de vivre profondément. » Nous avons rencontré
aussi des chrétiens paysans qui œuvraient pour une meilleure
compréhension entre gens des villes et gens des campagnes
et qui militaient pour une agriculture biologique au nom de leur
foi en Dieu créateur. En logeant deux nuits dans des familles,
nous avons touché les expressions de la vie chrétienne
quotidienne de ces frères et sœurs, souvent baptisés
récemment.
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La communion entre nous était acquise
depuis longtemps, depuis le témoignage pastoral de Jacques
Chastan, dont ils gardent le souvenir émerveillé
: « Il avait beaucoup de miséricorde et une grande
vertu. Il répandait la bonne odeur du Christ (…).
Il parcourut beaucoup de pays et traversa de hautes montagnes.
On ne pourrait raconter ni écrire ce qu’il eut
à souffrir. |
Très diligent, il instruisait jour et nuit. Il était
d’une grande affabilité, toujours égal et tranquille,
on n’entendait jamais de lui une parole qui dénotât
la moindre impatience ; on ne pouvait s’approcher de lui sans
se sentir tout échauffé de l’amour de Dieu.
Les chrétiens trouvaient en lui l’amour d’un
père et la tendresse d’une mère. » (témoignage
de Coréens, cité par F. Buzelin. Mourir pour la Corée,
p.214)
La communion entre nous, n’est-ce pas l’amour divin
qui a été répandu dans nos cœurs par le
même baptême reçu et qui a été
vécu jusqu’à l’extrême, comme le
Christ Sauveur, par les martyrs qui sont nos ancêtres communs
? C’est ce que notre Credo appelle « la communion des
saints » !
Toussaint 2005
+ François-Xavier LOIZEAU,
évêque de Digne
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