Annecy 2012

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                                                                               exposé du Père Blanc

Chers amis internautes, Vous trouverez ici un exposé du Père Emmanuel Blanc, du diocèse d'Annecy, sur le pasteur que fût Saint François de Sales. Avec ce document prend fin le compte rendu de notre pèlerinage à Annecy qui ne demande maintenant plus qu'à porter du fruit dans notre vie et notre minsitère au service des hommes et des femmes que nous sommes appelés à servir dans les Alpes de Haute-Provence.
                                                                                                                         Père Christophe Disdier-Chave, vicaire général

François de Sales
animé par la charité pastorale

 

 

Parler de SFS en tant que pasteur, c’est nécessairement le situer dans le contexte de l’Eglise au tournant des 16ème et 17ème siècles. SFS naît 2 ans après la clôture du concile de Trente ; il devient prêtre près de 30 ans après. Il fera partie de ces grands évêques qui cherchent à le mettre en œuvre (mais d’autres semblent l’ignorer) : comme d’autres évêques réformateurs de son époque, il prendre Charles Borromée (Milan) comme modèle et il tentera de reproduire ce que celui-ci a réalisé.

 

Même si on ne peut ici se contenter d’énumérer les axes forts de son ministère épiscopal, un rapide survol nous aidera à le remettre dans son contexte. Les axes de son ministère n’ont rien d’original, ils sont tracés par le concile de Trente. Ce qui est plus original sera la façon dont SFS vivra son ministère, et son souci de réformer son diocèse.

 

  • Un prédicateur et un catéchiste

 

Il a le souci de prêcher fréquemment, si possible en tous lieux où il passe. Il a le souci d’un langage abordable : son père lui reprochera de ne pas montrer suffisamment sa culture par des citations grecques et latines.

A son procès de canonisation, on témoignera ainsi : « Sa vie a été une continuelle prédication, car ses mœurs et ses actions ont été exemplaires et irrépréhensibles (…). Il avait un talent très rare et excellent pour annoncer de vive voix la parole de Dieu (…). Il ne disait jamais rien par ostentation, ni pour paraître savant… » (Pierre Magnin, 1er procès).

Il institue le catéchisme dans l’église St Dominique (actuellement : St Maurice). Il instruit lui-même tous ceux qui se présentent, enfants et adultes…

 

  • Un évêque dans son diocèse

 

Cela peut paraître surprenant de souligner ce point… et pourtant : le concile de Trente avait fait l’obligation aux évêques de résider dans leur diocèse, et aux curés dans leur paroisse ; ce faisant, il affirmait l’importance du lien entre un pasteur et la part du peuple de Dieu dont il a la charge…

SFS sera soucieux d’être en lien avec ses diocésains. Il visite chaque paroisse, chaque village de son diocèse, une première fois de façon systématique entre 1605 et 1607. Cela le conduit à quitter son évêché pour plusieurs semaines de suite, et même jusqu’à 5 mois.

 

  • Réformateur du clergé séculier

 

SFS est convaincu que la Réforme a eu du succès à Genève à cause des scandales suscités par des prêtres et des religieux. Il s’agit donc de former le clergé, de l’inciter à une vie correcte…        
Son action dans ce domaine poursuit celle de son prédécesseur.

  • Dès 1582 avait lieu chaque année un synode auquel étaient convoqués les curés. Son but était qu’ils en repartent « meilleurs et plus heureux ».
  • Mise en place d’examens pour accéder à des charges (donc : on se libère de ‘protecteurs’ qui insistaient pour placer leur protégé).
  • Constatant que « l’ignorance du prêtre est pire que la malice », il a le désir d’une formation solide (lui-même essaie de consacrer 2 h./jour à la lecture)… mais il échouera à créer un séminaire, faute de moyens financiers.

  • La réforme de la vie religieuse

 

Il parle de certains monastères comme de « séminaires de scandale ». Beaucoup n’observent plus la règle, sont riches dans un pays pauvre… Il y rencontre plus d’un échec.

 

 

* - * - * - *

 

SFS est habité par un zèle apostolique, il n’a quasiment aucun temps libre… Sa mission de pasteur l’habite en permanence… et pourtant, il parle peu de ce qu’il vit et ressent comme pasteur.

 

Par ailleurs, sa spiritualité est d’abord une spiritualité baptismale, pour tout chrétien. Il ne développe pas un regard original sur le ministère des prêtres, il ne pose pas des jalons de ce qu’on appellerait aujourd’hui « la spiritualité du prêtre diocésain ». Simplement, puisque le but de la vie chrétienne est, pour tous les baptisés, l’union à Dieu, les prêtres doivent être au service de ce but : par la prédication et les sacrements, par leur dévouement et l’exemple de leur vie, ils doivent aider les baptisés à progresser dans l’union avec Dieu

 

Dans son exhortation apostolique « Au début du Nouveau Millénaire », Jean-Paul II n’hésite pas à dire que toute l’action pastorale de l’Eglise doit se situer dans la perspective de la sainteté (cf. n° 30 et 31) :

« Et tout d’abord, je n’hésite pas à dire que la perspective dans laquelle doit se placer tout le cheminement pastoral est celle de la sainteté (…). Présenter la sainteté reste plus que jamais une urgence pastorale (…). ‘Tous les fidèles du Christ, quel que soit leur état ou leur rang, sont appelés à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité’ (LG 40).

Rappeler cette vérité élémentaire, en en faisant le fondement de la programmation pastorale dans laquelle nous nous engageons au début du nouveau millénaire, pourrait au premier abord sembler quelque chose de peu opérationnel. Peut-on ‘programmer’ la sainteté ? Que peut signifier ce mot dans la logique d’un plan pastoral ?

En réalité, placer la programmation pastorale sous le signe de la sainteté est un choix lourd de conséquences. Cela signifie exprimer la conviction que, si le Baptême nous fait vraiment entrer dans la sainteté de Dieu au moyen de l’insertion dans le Christ et de l’inhabitation de son Esprit, ce serait un contresens de se contenter d’une vie médiocre, vécue sous le signe d’une éthique minimaliste et d’une religiosité superficielle. Demander à un catéchumène : ‘Veux-tu recevoir le baptême ?’ signifie lui demander en même temps : ‘Veux-tu devenir saint ?’ ».

Je ne veux pas parler à la place de SFS qui n’est pas là… mais à 400 ans de distance, je l’imagine volontiers signer des deux mains de tels propos.

 

 

Donc, la spiritualité de SFS est d’abord baptismale. J’ai cependant repéré trois sources où nous voyons François de Sales livrer son cœur de pasteur (je pense qu’il y en a plus, mais je ne les connais pas) :

  • La harangue pour la prévôté : discours prononcé en décembre 1593 devant les chanoines, quand il devient leur prévôt.
  • Une lettre d’octobre 1604 à Mgr André Frémyot, jeune évêque de Bourges qui lui demande des conseils (quels doivent être ses points d’attention pour son ministère ?)
  • Des passages de lettres à Jeanne de Chantal, au cours de ses visites pastorales (1605-1607).

 


Les éléments qui suivront sont donc tissés à partir de ces trois sources.

- La charité au cœur de tout

- Ministère de la Parole

- En Eglise : avec d’autres et pour d’autres

 

 

.1. La charité au cœur de tout

 

Dans son discours pour la prévôté, SFS annonce rapidement – après les salutations d’usage : « Il faut recouvrer Genève » d’où les chanoines ont été expulsés en 1536.

Et il propose une ligne d’action qui n’est autre que la charité, une façon de vivre accordée à l’Evangile : « ‘La charité sincère peut tout, l’emporte sur tout, elle ne finira pas, elle n’agit pas précipitamment’ (2 Co 6,6 ; 1 Co 13,4). C’est par la charité qu’il faut ébranler les murs de Genève, par la charité qu’il faut la recouvrer (…). Je ne vous propose ni le fer, ni cette poudre dont l’odeur et la saveur rappellent la fournaise infernale ; je n’organise pas un de ces camps dont les soldats n’ont ni foi ni piété. Que notre camp soit le camp de Dieu… ».

Il développe ensuite l’image d’une ville dont on ferait le siège. Pour l’assoiffer, il faut couper l’aqueduc qui l’alimente en eau. Eh bien, il y a un aqueduc qui alimente les réformés et leur permet de vivre : « ce sont les exemples des prêtres pervers, les actions, les paroles, en un mot l’iniquité de tous, mais surtout des ecclésiastiques. C’est à cause de nous que le nom de Dieu est blasphémé chaque jour parmi les nations ».

 

Le jugement semble dur, sévère… Mais voyons ce qu’il implique :

  • SFS ne reproche pas aux calvinistes d’avoir quitté l’Eglise catholique, ou plutôt : il dit qu’ils n’en sont pas les seuls responsables.
  • C’est que l’Eglise à laquelle il appartient a elle-même besoin d’être réformée : une réforme qui n’est pas d’abord une évolution des structures, mais qui est une conversion des personnes.
  • Ainsi, SFS dit à sa manière que nous ne pouvons pas vivre notre ministère – annoncer l’Evangile – sans nous laisser convertir par le Christ,… sans ajuster notre vie à la Parole annoncée.

 

En disant cela, je me permets un lien avec la recherche catéchétique actuelle : pendant des dizaines d’années, on s’est demandé : « comment faire pour que les jeunes, les enfants, les parents, etc. comprennent ? comment adapter ? ». On voit aujourd’hui un déplacement des animateurs : « Comment vivons-nous la Parole dont nous voulons témoigner ? ». Il ne s’agit pas seulement de dire la Parole de Dieu, mais d’en vivre.

 

 

Revenons à la harangue de la prévôté. Ce 1er grand discours du jeune prêtre est significatif de tout ce que sera son ministère : être animé par la charité. C’est elle l’âme de toute action pastorale…

Mais il me semble intéressant de mieux préciser en quoi consiste cette charité, ce zèle apostolique : « La charité n’agit pas précipitamment »  (cf. St Paul).

Dans la façon de vivre le ministère, il y a bien quelque chose de l’ordre d’une passion : l’amour de Dieu pour nous est passionné, et notre réponse peut être passionnée. Cette passion, ce zèle, dit SFS, « a besoin d’être sagement conduit » (TAD X, 15) : l’ardeur et le zèle ne sont pas la colère, ni la violence. Il le dit par une image : l’eau d’un fleuve est plus utile au bateau que la violence du torrent ; la douce pluie est plus féconde qu’un orage qui détruit tout :

 


« Les fleuves qui vont doucement coulant en la plaine portent les grands bateaux et riches marchandises, et les pluies qui tombent doucement en la campagne la fécondent d’herbes et de graines ; mais les torrents et rivières qui à grands flots courent sur la terre, ruinent leurs voisinages et sont inutiles au trafic, comme les pluies véhémentes et tempétueuses ravagent les champs et les prairies. Jamais besogne faite avec impétuosité et empressement ne fut bien faite » (IVD III, 10).

 

Une vie en accord avec l’Evangile, c’est pour SFS une condition pour que la Parole annoncée soit crédible : « Il est requis que la personne qui parle et qui annonce la parole de Dieu soit irréprochable et que sa vie soit conforme à son enseignement ; autrement il ne sera pas reçu ni approuvé » .

Mais plus encore, c’est déjà une annonce de l’Evangile : « Il n’y a non plus de différence entre l’Evangile écrit et la vie des saints qu’entre une musique notée et une musique chantée »  :

  • Je ne saurai peut-être jamais lire une partition, mais je peux goûter une belle musique. De même pour l’Evangile…
  • L’interprète est habité par la musique qu’il joue… Il a une longue pratique (exercice) et ce n’est pas qu’un ‘froid technicien’. Il joue la partition d’une manière unique (avec peut-être quelques fausses notes…).

 

 

.2. Le ministère de la Parole

 

Cette charité pastorale se traduit pour SFS dans la prédication et l’annonce de l’Evangile. Nous avons vu que SFS accorde une grande importance à l’étude et à la lecture : jusqu’à 2 heures par jour, dans un emploi du temps pourtant chargé ! Dans ce ministère, il importe donc de faire preuve d’intelligence, et d’aider d’autres à mieux entrer dans l’intelligence de la foi.

 

Mais là encore, la motivation profonde du ministère de la Parole n’est pas dans des compétences, des connaissances, ou de l’éloquence,… si importantes soient-elles. La motivation profonde est encore dans l’amour du Christ ; c’est lui qui anime vraiment le prédicateur. A André Frémyot, qui a semble-t-il peur de se lancer dans la prédication, il écrit :

« Nous ne devons pas chercher notre honneur, mais celui de Dieu ; et laissez faire, Dieu cherchera le nôtre. Commencez, Monsieur, une fois aux Ordres, une autre fois à quelque Communion : dites quatre mots, et puis huit, et puis douze, jusqu’à une demi-heure ; puis montez en chaire. Il n’est rien d’impossible à l’amour. Notre Seigneur ne demanda pas à saint Pierre : ‘Es-tu savant ? ou éloquent ?’, pour lui dire : ‘Pais mes brebis’, mais : ‘M’aimes-tu ?’ Il suffit de bien aimer pour bien dire » .

 

Dans cette perspective, SFS donne un conseil qui nous surprend aujourd’hui : ne pas prêcher, annoncer la Parole, sans avoir auparavant célébrer l’eucharistie . Et il le justifie ainsi : pour porter le Christ, il faut l’avoir reçu. « Chose certaine, que Notre Seigneur étant en nous réellement, il nous donne clarté, car il est la lumière. Aussi, les disciples d’Emmaüs, ayant communié, eurent les yeux ouverts ».

C’est que l’annonce de la Parole n’est pas la seule action de l’Eglise. C’est le Christ qui, en elle, poursuit sa mission. « Quelle est donc la fin du prédicateur en l’action de prêcher ? Sa fin et son intention doit être de faire ce que Notre Seigneur est venu faire en ce monde. Et voici ce qu’il en dit lui-même : ‘Je suis venu pour qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance (…). Quand donc, le prédicateur est en chaire, il doit dire en son cœur : ‘Je suis venu pour que ceux-ci aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance » .

Il faut donc recevoir du Christ la vie pour la communiquer… être conscient qu’à travers le ministère de la Parole, ce n’est pas seulement nous qui agissons, mais Dieu qui vient s’adresser à chacun.

 

Puisque l’amour du Christ est plus important que l’éloquence, il en résulte une grande simplicité dans la prédication de SFS. Pourquoi faire compliqué ? pourquoi chercher des belles citations latines et grecques ? L’essentiel n’est pas là (cf. réactions de son père). L’essentiel n’est pas d’étaler son érudition, mais d’enseigner et de conduire à l’amour de Dieu : « La langue de l’évêque doit éclaircir l’entendement des auditeurs et échauffer leurs volontés ». Il faut même se méfier d’un « certain chatouillement des oreilles qui provient d’une certaine éloquence » et qui est complètement artificiel. De tels prédicateurs « ne prêchent pas Jésus Christ crucifié, mais ils se prêchent eux-mêmes » .

Ce qui fait une bonne prédication, ce n’est donc pas la longueur du discours, mais la vérité de notre parole : « Dites peu et dites bien, c’est beaucoup (…). Il faut que nos paroles soient enflammées, non pas par des cris et actions démesurées, mais par l’affection intérieure. Il faut qu’elles sortent du cœur plus que de la bouche. On a beau dire, mais le cœur parle au cœur, et la langue ne parle qu’aux oreilles » .

 

Ce que je retiens de SFS comme prédicateur :

  • un homme qui lit et étudie… (un réel défi pour nous !). Le travail nécessaire d’intelligence de la foi.
  • et en même temps : une parole simple et cordiale, mise à la portée de tous.
    Le but de l’étude n’est pas l’érudition,…
    … mais le service du peuple de Dieu…
    … qu’il faut nourrir de la Parole du Christ

 

 

.3. En Eglise : avec d’autres et pour d’autres

 

SFS met la source de son ministère dans l’amour du Christ ; et il l’exerce concrètement au sein d’un peuple, dans le diocèse qui lui est confié : sa diocèse qui est comme une pauvre femme, mais qu’il aime et ne voudrait pas quitter pour une plus riche ! On souvent parlé de SFS comme d’un écrivain, un maître spirituel qui écrirait à quelques dames de la noblesse. Comme prêtre de ce diocèse d’Annecy, je suis sensible au SFS, pasteur de ce diocèse, dans les relations qui constituent son quotidien. Cela n’est pas dans des livres, ça ne peut pas être contenu dans des lettes,… mais c’est l’essentiel de sa vie, ce à quoi il a consacré l’essentiel de son temps.

 

Dans son discours pour la prévôté, SFS s’adresse aux chanoines qui seront ses collaborateurs. Il ne se présente pas comme le chef auquel il faudra obéir, mais comme un homme, conscient de sa faiblesse, et qui compte sur l’aide de confrère : « Il ne vous reste qu’à aider et soutenir ma faiblesse par vos conseils et votre exemple, à suppléer par votre charité aux qualité qui me manquent (…). Soyez persuadés que Dieu vous a ordonné, comme à ses Anges de me garder en toutes mes voies (cf. Ps. 90, 11)… et portant toujours les fardeaux les uns des autres, nous accomplirons la loi du Christ (cf. Ga. 2, 6). Veuillez croire que je recevrai toujours humblement, dans le Seigneur, les avis de chacun d’entre vous… »

Simple beau discours ?... pas si sûr ! Les hagiographies ont un effet déformant : en parlant de SFS, on pourrait croire qu’il agit seul, en héros à qui tout réussit. Il serait intéressant de remarquer comment il s’entoure toujours de collaborateurs, pas forcément très nombreux, mais toujours des hommes de confiance…

 

A titre d’exemple :

  • dans le Chablais, avec son frère… puis les capucins et le fameux P. Séraphin de Maurienne
  • comme évêque : nous avons déjà parlé du synode des curés… mais aussi la collaboration avec J-Pierre Camus (Belley).

 

Presbyterorum Ordinis invite à trouver une nourriture dans le ministère. A mes yeux, les collaborations sont bien de l’ordre de cette nourriture : des collaborations  qui ne sont pas à voir seulement en termes d’efficacité et de partage des tâches, mais qui sont un lieu d’action de grâce : reconnaître et accueillir les dons de chacun…

 

 

Un autre lieu où SFS montre son cœur de pasteur au service du diocèse, c’est dans ses visites pastorales. Il lui importe de visiter chaque lieu, même le plus retiré (et ce n’est pas peu dire). En chaque lieu, il prêche et confirme ; il reste parfois plus longtemps que prévu pour résoudre des conflits (= un travail de réconciliation)… il faut aussi combattre des superstitions… 

Au-delà de ce qui est « à faire », il écrit à Jeanne de Chantal comment il vit ce ministère. Il parle de sa fatigue (longues marches et lents déplacements), mais que pour rien au monde, il ne quitterait ce qu’il fait pour autre chose : « Je suis dans cette barque, il faut que j’y vogue ».

Une chose me frappe surtout, c’est qu’il ne regarde pas d’abord ce qu’il donne, ni ce qu’il fait, mais ce qu’il reçoit. Et il s’émerveille de la foi des gens qu’il rencontre : des gens humbles, des petits dont on ne parlera jamais :

« Je l’ai rencontré [Dieu] plein de douceur et de suavité parmi nos plus hautes et âpres montagnes, où beaucoup de simples âmes le chérissent et adorent en toute vérité et sincérité » .

Il raconte aussi combien la rencontre d’une simple paysanne (sa bonté et charité) l’a frappé.

 

Ou bien, c’est un fait divers, l’exemple d’un berger tombé dans une crevasse qui retentit pour lui comme un appel à la conversion, à mieux vivre en berger de son peuple :

« Vous dirais-je une chose qui me fit frissonner les entrailles de crainte ? Chose vraie. Alors que nous étions au pays des glaces [Chamonix], environ huit jours, un pauvre berger courrait ça et là sur les glaces pour recourir une vache qui s’était égarée, et, ne prenant pas garde à sa course, il tomba dans une crevasse et fente de glace de 12 piques de profondeur (…).

Ô Dieu, ce dis-je, et l’ardeur de ce berger était-elle si chaude à la quête de sa vache, que cette glace ne l’a point refroidi ? Et pourquoi donc suis-je si lâche à la quête de mes brebis ?...

Je vis merveille en ces lieux-là : les vallées étaient toutes pleines de maisons, et les monts tout pleins de glace jusques au fond. Les petites veuves, les petites villageoises, comme basses vallées, sont si fertiles, et les évêques, si hautement élevés en l’Eglise de Dieu, sont tout glacés ! Ah ! se trouvera-t-il un soleil assez fort pour fondre celle qui me transit ? » .

 

 

 


Conclusion

 

Je mets en relation deux phrases :

 

à dans une lettre à Jeanne de Chantal, SFS évoque l’ordination épiscopale qu’il a reçue 10 ans plus tôt. Cela résume bien son attitude de fond dans le ministère :

« J’ai dit qu’il y avait 10 ans hier que j’avais été consacré, c’est-à-dire que Dieu m’avait ôté à moi-même pour me prendre à lui, et puis me donner au peuple ; c’est-à-dire qu’il m’avait converti de ce que j’étais pour moi en ce que je fusse pour eux ». (9 décembre 1612 EA XV, 312)

 

à Vatican II, Presbyterorum Ordinis, qui situe le ministère des prêtres au sein de l’Eglise, dans une double relation à Dieu et aux hommes :

« Par leur vocation et leur ordination, les prêtres de la Nouvelle Alliance sont d’une certaine manière mis à part au sein du peuple de Dieu ; mais ce n’est pas pour être séparés de ce peuple… C’est pour être totalement consacrés à l’œuvre à laquelle le Seigneur les appelle. Ils ne pourraient être ministres du Christ, s’ils n’étaient témoins et dispensateurs d’une vie autre que la vie terrestre, mais ils ne seraient pas non plus capables de servir les hommes s’ils restaient étrangers à leur existence et à leurs conditions de vie » (PO n° 3).

Sermon pour le Dimanche de la Passion (16 mars 1622), EA X, 329

Lettre 229 à André Frémyot (5 octobre 1604), EA XII, 306

Lettre 229 à André Frémyot (5 octobre 1604), EA XII, 324

Lettre 229 à André Frémyot (5 octobre 1604), EA XII, 303

Lettre 229 à André Frémyot (5 octobre 1604), EA XII, 303-304

Lettre 229 à André Frémyot (5 octobre 1604), EA XII, 304-305

Lettre 229 à André Frémyot (5 octobre 1604), EA XII, 321

Lettre 366 à Jeanne de Chantal, août 1606 (EA XIII, 223)

Lettre 366 à Jeanne de Chantal, août 1606 (EA XIII, 223 et 199)

 

 


Digne Riez Sisteron


 


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