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  Vingt siècles de christianisme en
Haute-Provence
 
     
 

Nous faisons partie d'un peuple en marche,
l'Église du Christ.
 
Une longue histoire nous précède:
deux mille ans de Christianisme,
au cours desquels des « Témoins »
ont annoncé l'Évangile de Jésus,
et fondé la foi en Haute Provence ...

Au temps des Romains
La Haute Provence était alors peuplée de Celto-Liguro-Gaulois, qui ont vu arriver, environ cent ans avant Jésus-Christ, les Romains, ayant annexé, entre autres, la « Provincia Romana » (la Provence actuelle et le Languedoc), à leurs déjà larges possessions.
Ils imposent une autre civilisation, certains progrès techniques, mais aplanissent, normalisent la culture.
En ouvrant des voies de communication, les Romains intensifient les échanges. La Voie Domitienne, reliant l'Italie du Nord à l'Espagne, en passant par le col du Mont-Genèvre, Sisteron, Forcalquier, Céreste, Apt, a largement contribué à la circulation des hommes, à la diffusion des idées. Elle continuera, jusqu'au delà du Moyen Âge, son rôle de voie de communication en étant aussi le chemin des pèlerins .
Ce peuple Celto-Liguro-Gaulois, déjà riche de plusieurs cultures. avait ses divinités, qu'il vénérait. Les Romains aussi avaient leur panthéon (Mercure, Sylvain, Esculape, Victoire, entre autres, dont on a retrouvé des fragments d'autel, lesquels se trouvent aux musées de Digne-les-Bains et de Riez.)
Tout cela pouvait cohabiter ou s'hybrider. La religiosité était intense, dans des sanctuaires comme Le Chastelard (commune de Lardiers), entre le premier et le troisième siècle de notre ère : des foules de pèlerins ont laissé, en signe de dévotion, des milliers de petites lampes à huile et autres objets votifs. De même pour le sanctuaire de La Cassine (commune de Montfort) où là aussi, entre le premier et le deuxième siècle, des hommes sont venus en nombre faire leurs dévotions.

Les premiers évangélisateurs
C'est dans cette société romanisée que, vers le troisième siècle, les premiers évangélisateurs arrivent en Provence, apportant des espérances nouvelles, si l'on occulte les légendes qui font aborder aux Saintes-Maries de la Mer, une barque portant Marthe, Marie-Madeleine et Lazare. Les Provençaux ont l'aisance de transposer les événements chez eux ! Et les pastorales du dix-neuvième siècle feront volontiers naître Jésus dans un village de Provence.
Après avoir déjà atteint les grandes cités romaines, Lyon, Vienne, au cours du deuxième siècle, ils arrivent maintenant à Marseille, puis Arles, puis remontent vers Apt, qui est une des premières villes de l'arrière-pays à être christianisée, mais discrètement car la liberté religieuse n'est pas totale.
Il faudra attendre le début du quatrième siècle (313) pour que cette liberté soit reconnue par l'empereur romain Constantin. Plus libre, le christianisme va alors sortir des grandes villes pour s'étendre aux zones rurales.

Les premières abbayes
Au début du cinquième siècle, vers 410, Honorat, de retour d'Orient, où il a connu la vie monastique, fonde, aux Iles de Lérins, le premier monastère d'Occident. Cassien, venu de Roumanie, établit à Marseille, vers 415, l'abbaye Saint-Victor.
L'abbaye de Lérins rayonnera sur toute la Provence, et sera une pépinière d'évêques (Maxime, Fauste de Riez). De même les abbayes Saint-Victor de Marseille, de Montmajour, de Villeneuve-les-Avignon essaimeront dans l'arrière-pays.
Une mystérieuse inscription, la « pierre écrite » à Saint-Gêniez, signée du préfet romain Dardanus (au début du cinquième siècle), qui connaissait saint Jérôme et saint Augustin, fait état de sa retraite dans cette petite vallée, en un heu nommé « Théopolis », la cité de Dieu, où il est venu chercher la sérénité. Tout cela demeure énigrnatique !

Des évêchés sont fondés à Apt (à la fin du troisième siècle), à Digne, à Embrun (aux quatrième et cinquième siècles), à Riez, Senez, Sisteron, Entrevaux (aux cinquième et sixième siècles).
Et la tradition, la légende, l'histoire (il est souvent difficile de démêler les trois !) nous rapportent les noms des premiers évangélisateurs : Domnin et Vincent à Digne, Marcellin à Embrun, tous les trois venus, semble-t-il d'Afrique du Nord, Maxime à Riez

Le temps des « Barbares »
Dans ce même temps, la domination, la puissance romaine déclinent progressivement, et l'empire romain d'Occident s'éteint à la fin du cinquième siècle, laissant les voies ouvertes aux envahisseurs : Vandales, Wisigoths, Francs, Ostrogoths, Burgondes, Lombards, et Sarrasins, qui, pendant près de quatre siècles (du sixième au neuvième siècles) occuperont plus ou moins régulièrement, plus ou moins violemment, ce pays. Ils s'y installeront en gardant la culture latine comme base, et le mélange des populations se réalisera en partie par le christianisme, car les évêques et les abbayes vont récupérer une bonne partie du pouvoir politique et culturel.

Dans ce milieu instable, le christianisme se répand lentement (baptistère de Riez du sixième au huitième siècles, autel de Digne du sixième siècle, chancels de Limans du septième siècle). Les sanctuaires chrétiens ont souvent été établis sur des sites gallo-romains ou antérieurs, car le christianisme a abordé un pays déjà empreint de religiosité, de croyances, de pratiques ancestrales, qu'il a fallu assimiler lentement, adapter en douceur.
riez
Le baptistère de Riez

Le christianisme change les croyances, mais maintient les usages, les habitudes. C'est, peut-être là son universalité, sa nouveauté, de pouvoir s'imprégner, et d'assimiler les apports les plus divers de chaque culture, pour n'en garder que ce qui rend les hommes meilleurs, ce qui les fait grandir en humanité.

Le temps des « bâtisseurs »
A partir du dixième siècle, les monastères, couvents, abbayes, prieurés vont se multiplier. Du dixième au treizième siècle, le christianisme s'établit partout.
C'est le temps des bâtisseurs : du onzième siècle nous restent les églises Saint-Donat de Montfort, Saint-Martin de Volonne, la crypte de Vilhosc à Entrepierres, la crypte de Dromon à Saint-Gèniez...

Digne-les-Bains
Notre-Dame du Bourg
à Digne-les-Bains
Entre le douzième et le treizième siècle, s'élèvent les cathédrales :
Notre-Dame-du-Bourg à Digne,
Notre-Dame-de-la-Sed à Glandèves-Entrevaux,
Notre-Dame-de-l'Assomption à Senez,
Notre-Dame-des-Pommiers à Sisteron,
Notre-Dame-du-Bourguet à Forcalquier,
ainsi que de remarquables églises :
Notre-Dame-de-Nazareth à Seyne-les-Alpes,
Notre-Dame à Bayons, Notre-Dame-de-Valvert à Allos,
Saint-Sauveur et Notre-Dame-de-Romigier à Manosque,
Saint-Victor à Castellane...
et des chapelles, abbayes, prieurés :
Salagon à Mane, Ganagobie, Carluc à Céreste,
Saint-Jean à Forcalquier, Sainte-Anne à Lardiers,
Saint-Thyrse à Robion-Castellane,
Notre-Dame-de-Lure à Saint-Étienne-les-Orgues...

Vers 910, selon la tradition, naît à Valensole Mayeul, qui deviendra le quatrième abbé de Cluny, de 951 à sa mort, en 994 (il sera canonisé par la suite).
Homme de foi et, de prière, plein de sagesse et de bon sens, son influence spirituelle, durant toute la seconde moitié du dixième siècle est énorme. Il contribuera fortement au large rayonnement de l'abbaye de Cluny.
Ce développement va changer complètement la géographie humaine : avec de larges défrichements, l'extension des terres cultivées, des villages se forment autour ou à proximité des abbayes, qui sont des foyers de spiritualité et d'activités économiques. La population augmente de façon importante.

La Haute-Provence va prendre sensiblement la physionomie que l'on retrouve encore aujourd'hui : avec les villages groupés autour de l'église et de son clocher, il y a toute une imprégnation chrétienne du terroir.

Saint Jean de Matha naît vers 1160 à Faucon-de-Barcelonnette.
Il reçoit la révélation divine, et fonde l'ordre de la Très-Sainte-Trinité, qui a pour mission la rédemption et le rachat des captifs. Il est appelé le « libérateur des esclaves ». L'ordre des Trinitaires aura aussi pour tâche le soulagement des malheureux et le soin des malades .

Jean de Matha
Saint
Jean de Matha

Le temps de l'épreuve
À partir du quatorzième siècle, peut-être à cause d'un développement trop intense, trop matérialiste, trop possessif, les abbayes vont perdre de leur importance. Ce sera aussi et encore le temps des guerres, des bandes de pillards, des pestes, des famines qui vont dépeupler le pays.

Au seizième siècle, les guerres de religion, en des affrontements sévères, ne renforceront la vérité qu'ils croient détenir, ni des catholiques, ni des protestants, et seront bien loin des paroles évangéliques, mais là encore, le besoin de puissance, de domination, était plus fort que la foi.
Entre 1562 et 1595 les luttes sont nombreuses. Digne est assiégée à plusieurs reprises. Il y a d'importants dégâts, Notre-Dame-du-Bourg reçoit des boulets de canon, elle est partiellement incendiée .

Le temps du renouveau
Au dix-septième siècle, un nouvel élan de foi construira ou relèvera de leurs ruines des églises, des chapelles, et instaurera des pèlerinages

Gassendi
Pierre Gassendi
Pierre Gassendi (1592-1655) est né à Champtercier. Philosophe, astronome, naturaliste, historien, mathématicien... de grande simplicité, il restera toujours attaché profondément à son pays dignois, où il était prévôt du chapitre de la cathédrale.
Il correspond avec nombre de savants français et européens de son temps. Sa pensée philosophique et spirituelle voulait concilier sa foi inébranlable avec la raison et les découvertes scientifiques ; il exclut tout ce qui pourrait exercer un pouvoir, une contrainte sur la liberté des hommes à rechercher la vérité. « Je mets toujours la raison au-dessus de l'autorité. » a-t-il écrit. Sa philosophie, ainsi que ses écrits, demeureront, dans l'ombre, et il restera discrètement connu.

Des épidémies de peste, en 1629, puis en 1720, atteindront douloureusement, les populations, qui vont alors solliciter les saints guérisseurs : saint Roch, saint Sébastien... On leur dédiera des chapelles pour obtenir leur protection.
Cela conduira jusqu'aux bouleversements révolutionnaires, et aux mesures fortement antireligieuses de l'assemblée constituante, qui voulait transmuter Dieu en l'Être suprême, et transformer les églises en temples de la raison et de la philosophie.
Dans cette période trouble et excessive, des églises, des chapelles, leur mobilier, des objets religieux sont vendus comme biens nationaux. L'État entend régenter le culte. Les prêtres sont contraints de prêter serment ou de s'exiler. La population a bien du mal à comprendre toutes ces mesures. Marie Gaubert de Manosque disait « que le représentant, du peuple, Dherbès-Latour, était un couillon, qu'il avait fait fermer l'église, qu'on ne baptiserait plus les enfants qu'au nom du diable. » (mars 1794)
Le fanatisme révolutionnaire conduira à bien des excès. En juin 1792, Raymond Martin, vicaire épiscopal de Senez, est martyrisé vers Entrevaux. En août de la même année, quatre prêtres (François Pochet, Edme Vial, Joseph Reyne, Jean Pouttion) sont pendus à Manosque. En juillet 1794, Mère Élisabeth Thérèse Consolin, prieure du couvent des Ursulines de Sisteron, est guillotinée à Orange (Vaucluse) avec trente-et-une autres religieuses non bas-alpines.
Le Concordat (15 juillet 1901) mettra un terme à toutes ces exactions.

L'évêché de Digne, Riez et Sisteron
Jusqu'à la Révolution, le département des Basses-Alpes était le siège de cinq évêchés : Digne, Senez, Riez (qui comprenait en outre quelques paroisses du Var), Sisteron (qui comprenait en outre quelques paroisses de la Drôme), Glandèves-Entrevaux (qui comprenait en outre quelques paroisses des Alpes-Maritimes) ; un nombre important de communes du nord du département dépendaient des diocèses de Gap et Embrun, et quelques communes du sud du département dépendaient des diocèses d'Apt et Aix. Après la Révolution, en 1802, l'évêché de Digne sera calqué sur le département, et regroupera sous son administration toutes les communes.

Au dix-neuvième siècle, au milieu des idées nouvelles qui apparaissent, des évêques aux fortes personnalités, aux forts charismes, contribueront à rendre le christianisme proche des hommes.

Mgr François, Charles, Melchior, Bienvenu de Miollis (1753-1843) est évêque de Digne de 1806 à 1838.
Sa simplicité, sa bonté, sa charité pour les pauvres, les malades, sont restées légendaires, telles que Victor Hugo en avait eu connaissance et a immortalisé Mgr de Miollis dans son roman Les Misérables, sous le nom de Mgr Myriel. Il fonda en outre le pensionnat du Sacré-Cœur (entre 1826 et 1840).

Dominique, Marie, Auguste Sibour (1792-1857) succède à Mgr de Miollis. Il est à la tête du diocèse de 1839 à 1848. Ouvert aux problèmes sociaux, il accueille favorablement la Seconde République en février 1848. Il écrit, dans une lettre au clergé du diocèse, le 1er mars 1848 : « Tout gouvernement qui voudra arrêter les développe-ments progressifs des libertés publiques, sera tôt ou tard englouti par ce flot des idées et des besoins légitimes qui montent sans cesse et qu'on ne peut dominer qu'à la condition de lui tracer un libre et paisible cours. »
Le 12 mars de cette même année, dans cette euphorie républicaine, il participe à un banquet patriotique sur le pré de foire à Digne et dans son discours il dit : « Qui pourrait douter de toutes nos sympathies, de toutes les sympathies de la religion pour un gouvernement dont la devise est la devise même du christianisme : Liberté, Égalité, Fraternité. Ces trois mots ne signifiaient rien avant Jésus-Christ. C'est lui qui nous en a apporté du ciel la réalité. C'est Jésus-Christ qui a affranchi le monde, qui a brisé le joug de l'esclavage, sous lequel étaient courbés les trois quarts du genre humain. C'est Jésus-Christ qui est venu révéler au monde le dogme sacré de l'égalité. C'est Jésus-Christ qui nous proclame tous enfants du Père céleste. Cette devise est donc celle de Jésus-Christ, des Apôtres, et de l'Église toute entière. »
Le commissaire du département (le préfet) qui participait également au banquet « se lève précipitamment de sa place, se jette dans les bras de Monseigneur avec la plus vive effusion », écrit le journal... Le préfet et l'évêque s'embrassant sur le pré de foire, au nom de la République, c'est une image forte ! Peu après, Mgr Sibour sera nommé archevêque de Paris. C'est durant l'épiscopat de Mgr Sibour qu'ont commencé les travaux d'agrandissement et de rénovation de la cathédrale Saint-Jérôme.

Marie, Julien Meirieu, vicaire général de Mgr Sibour, est sacré évêque en 1849, et lui succède. Mgr Meirieu poursuivra les travaux à la cathédrale Saint-Jérôme. Il intensifiera les missions rurales, l'enseignement religieux (fondation du petit séminaire à Digne en 1853). Il s'attachera à réformer la liturgie et le chant religieux. Ces modifications seront même adoptées par d'autres diocèses. Il est, comme Gassendi, passionné d'astronomie. Il dirigera le diocèse de 1849 à 1880.

Au dix-neuvième siècle sont également fondés à Digne, l'institut des sœurs de la Sainte-Enfance (vers 1838), dont, le but. était, d'ouvrir des écoles dans les villages pour l'instruction des jeunes filles, ainsi que celui des sœurs de Saint-Martin, dont la mission était de s'occuper des orphelins (vers 1840).
Le dix-neuvième siècle est le temps de l'élan missionnaire. De jeunes prêtres quittent leur pays pour aller annoncer l'Évangile dans le monde entier. Un des plus célèbres, chez nous - il sera canonisé en 1984 - est Jacques Chastan, de Marcoux (1803 - 1839) qui se rend dans le sud-est asiatique, en Cochinchine, en Malaisie, en Chine puis qui entre clandestinement en Corée où les chrétiens sont persécutés. Avec plusieurs autres chrétiens, il subit le martyre, il est décapité en 1839. Quelques décennies plus tard, le père Joseph Ravel, de Valernes, fonde en Inde la congrégation des sœurs de la Présentation.

Le dix-neuvième siècle est aussi l'époque où le département est le plus peuplé : 156.675 habitants en 1846. Dans ce département essentiellement rural, tout l'espace cultivable disponible est utilisé. Dans les paroisses, la ferveur est intense : célébrations, pèlerinages, processions, fêtes rythment la vie.

Au vingtième siècle
La première guerre mondiale arrache à la vie 4150 jeunes bas-alpins et fait de nombreux blessés. Cela aggravera encore le dépeuplement déjà entamé à la fin du dix-neuvième siècle : 83.000 habitants vers 1950, mais 139.561 en 1999 ! Des villages entiers sont désertés, abandonnés. En moins de cent ans se sont opérés des changements rapides et profonds des mentalités, des changements de mode de vie, des progrès de la science, la toute puissance de l'argent.

Bien des hommes perdent les valeurs, les repères auxquels ils croyaient et ils sont entraînés dans les délires commerciaux d'une consommation sans limite. Mais en développant l'éducation, la liberté individuelle, la réflexion ce siècle ouvre pour le troisième millénaire un large avenir qui reste à construire pour l'humanité.

À nous, chrétiens, de l'éclairer à la lumière de l'Évangile du Christ.

 
 

 

Ce texte est tiré de la plaquette Vingt siècles de christianisme en Haute-Provence,
études et recherches effectuées et mises en ordre par Jean-Pierre Pinatel,
éditée à l'occasion du jubilé de l'an 2000 dans le diocèse de Digne.

 
   
 
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