« Aimer, c’est tout donner et se donner
soi-même », disait sainte Thérèse de
Lisieux. Aimer comme le Christ Jésus, c’est abandonner
toute sécurité de vie pour suivre librement la route
de la Vie et tout subordonner à la proclamation de l’Évangile
: voilà les conditions pour librement « marcher sur
la voie où Jésus lui-même a marché
» (1 Jn 2,6). Dans sa longue montée vers Jérusalem,
Jésus vit lui-même, dans la liberté, l’abandon
de toute sécurité, l’urgence de se donner
à l’annonce de la Bonne Nouvelle avec les ruptures
que cela peut comporter. Voulons-nous le suivre ? Il fait de nous
des hommes et des femmes « appelés à la liberté
» pour avoir la Vie de Dieu et transmettre cette Vie !
Ce chemin des disciples à la suite de Jésus
est aussi le chemin qui nous est proposé par lui aujourd’hui.
Les trois hommes interpellés par Jésus le long de
la route sont restés anonymes car ils nous représentent.
En effet, ce ne sont pas seulement les apôtres qui ont à
monter à Jérusalem, mais tout homme qui doit connaître
sa mort et, par telle rupture ou telle patience au long de ses
jours, s’habituer à parcourir progressivement le
mystère pascal dans sa propre vie. C’est bien cela
le chemin qu’ouvre le baptême. « Pouvez-vous
recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé
? » dit Jésus à ses Apôtres. Ceux-ci
lui répondent :
« Nous le pouvons ! » (Mc 10,38). Oui, avec la
grâce de Dieu !
« Oui, je le veux, avec la grâce
de Dieu ! » : c’est la réponse, personnelle
et libre, que donnent évêques, prêtres et diacres
lors de leur engagement d’ordination. C’est la réponse
à l’appel du Christ que Paul donnera dans un instant,
s’il le veut. Ce sera sa réponse libre de baptisé-confirmé
à marcher à la suite de Jésus, une réponse
à laquelle adhérera librement son épouse,
Muriel, en raison du sacrement de leur mariage. Ce sera leur réponse
libre à suivre le Christ Serviteur partout où il
enverra. Et Paul va être « consacré au service
de l’Eglise par l’imposition des mains et le don de
l’Esprit ».
Parmi les chemins des engagements chrétiens,
le chemin du diacre est tracé dans la liturgie d’ordination.
C’est un triple appel, auquel correspondra une triple mission
: service de la charité dans la simplicité d’un
cœur qui se donne, service de la transmission de la foi dans
la fidélité à l’Evangile et à
la tradition de l’Eglise, service de la prière et
de la distribution aux fidèles du Corps et du Sang du Christ.
Cette triple mission engage jusqu’au dernier souffle et
suppose de « conformer toute sa vie à l’exemple
du Christ » et à rester « en communion avec
l’évêque », qui est le garant de la réalisation
de la mission dans l’Église.
La « lettre de mission » que je donnerai à
Paul à la fin de cette célébration, en précisera
le champ, afin que « progresse dans sa marche tout
le peuple de Dieu » à la suite du Christ-Jésus,
qui s’est fait le Serviteur de tous.
Je voudrais souligner spécialement la première
de ces missions qui est celle de la charité. Elle caractérise
particulièrement le ministère du diacre, qui répond
ainsi à l’invitation de l’apôtre saint
Paul : « Mettez-vous par amour au service les uns des autres.
»
Dans sa merveilleuse lettre intitulée «
Dieu est Amour », notre pape Benoît XVI dit tout d’abord
que la charité de l’Église est une manifestation
de l’amour de Dieu, grâce à l’Esprit-Saint
qui transforme sans cesse le cœur de la communauté
ecclésiale : « L’amour est le service que l’Église
réalise pour aller constamment au devant des souffrances
et des besoins, même matériels, des hommes. »
(n°19). La charité est vraiment tâche de l’Église
et de toute l’Église.
Le Saint-Père poursuit : « Cette tâche de l’Église
est… devenue visible (au début de l’histoire
de l’Église) dans le choix de sept hommes, ce qui
fut le commencement du ministère diaconal (cf. Ac 6, 5-6)
(…) Les apôtres, auxquels étaient avant tout
confiés la prière et le service de la Parole, se
sentirent pris de manière excessive par le service des
tables ; ils décidèrent donc de se réserver
le ministère principal et de créer pour l’autre
tâche, tout aussi nécessaire dans l’Église,
un groupe de sept personnes. Cependant, même ce groupe ne
devait pas accomplir un service simplement technique de distribution
: ce devait être des hommes remplis d’Esprit-Saint
et de sagesse. Cela signifie que le service social qu’ils
devaient effectuer était tout à fait concret, mais
en même temps c’était aussi sans aucun doute
un service spirituel, qui réalisait une tâche essentielle
de l’Église. » (n°21).
Puis le Pape donne comme « expression vivante de cette tâche
» le diacre saint Laurent, responsable de l’assistance
aux pauvres à Rome au troisième siècle. Quand
il fut contraint par les autorités civiles de donner les
richesses de l’Église, il leur présenta les
pauvres de Rome comme le vrai trésor de l’Église
(n°23).
Paul, votre vie s’inscrit déjà
dans l’attention et le service des pauvres de votre village
et de votre vallée. L’ordination, que vous allez
recevoir, ordonnera votre vie, encore plus et au nom du Christ,
dans le service ecclésial de la charité, inséparable
de l’annonce de la Parole de Dieu et de la prière
liturgique. Ceci va être dans la ligne de l’accomplissement
de votre baptême. Ceci va être une étape décisive
et spécifique de votre route à la suite de Jésus,
Serviteur de tous, chemin que vous prenez en toute liberté
et avec courage, en « vivant sous la conduite de l’Esprit
de Dieu ».
Avec tous les disciples du Christ qui vous entourent,
prions pour que « Dieu achève en vous ce qu’il
a commencé » !