La
Correspondance de
sainte Thérèse de l’Enfant Jésus
est publiée en 1948. Le grand public disposait de quelques
fragments de lettres à Céline. L’opiniâtreté du
Père Combes vint à bout des réticences
de l’archiviste du Carmel. L’édition complète
réunie aujourd’hui 266 lettres qui couvrent la
période du 4 avril 1877 au 25 août 1897. Pour
apprécier ce trésor il suffit d’avoir en
mémoire les dates biographiques de sainte Thérèse.
Elle naît le 2 janvier 1873 à Alençon et
meurt le 30 septembre 1897 au carmel de Lisieux.
Traçons
un chemin dans cette correspondance. Prenons le temps d’admirer
les fleurs qui exhalent un doux parfum. De beaux paysages
se découvriront au détour d’un sentier
et nous verrons « un pays qui s’étend
au loin ». Parfois nous surprendrons une biche bondissant « sur
les montagnes embaumées ».
L’enfance
Lettres
1 à 21 (avril 1877- octobre 1886)
Les
premières lettres sont truffées de fautes d’orthographe
parfois savoureuses. « J’ai eu quatre bons-points
le prmier Jours et le segon cienc ». « Je
ne suis gerre abile » dit-elle.
Première
lettre (4
avril 1877)
Thérèse
est assise sur les genoux de sa sœur. Pauline conduit
sa main car l’enfant est incapable de « tenir
un porte-plume » et « je ne sais pas écrire
toute seule ».
Les
premiers mots de la
Correspondance sont
anodins à moins qu’on leur reconnaisse une charge
symbolique forte en les enrichissant de ce que nous savons
de Thérèse.
Je
ne vous connais pas mais tout de même je vous aime
beaucoup
Comment
peut-elle aimer sans connaître ? Parce qu’on
lui a parlé de cette personne en des termes qui ont
suscité l’amour. Un enfant me disait : « Comment
aurais-je pu connaître Jésus si on ne m’en
avait pas parlé ? » Une évidence
que nous oublions trop vite. « La foi naît
de la prédication » écrit saint Paul.
La famille de Thérèse sera le lieu de la première
annonce.
Pauline
veut que je vous dise que je suis une petite paresseuse
« Paresseuse » parce
qu’elle n’accomplit pas rapidement ce qu’on
lui demande. Elle boude un peu les devoirs. Plus tard sa vie
ne sera pas régie par la conformité au devoir
mais par l’amour.
Je
travaille toute la journée à faire des malices à mes
pauvres petites sœurs
Une
paresseuse qui se donne de la peine et qui ne compte pas les
heures (« toute la journée ») !
C’est que son travail est d’un tout autre ordre.
Elle agit pour être en permanence sous le regard de ses
aînées. Elle invente de petits moyens pour se
rappeler à leur bon souvenir. Thérèse
développera l’imagination de l’amour pour
demeurer sous le regard de son Seigneur.
Je
suis un petit lutin qui rit toujours
On
dit parfois qu’un saint triste est un triste saint. Thérèse
s’efforcera d’être joyeuse, fidèle à l’enseignement
de l’apôtre : « Soyez toujours
joyeux». Etre un petit lutin pour les autres ce
n’est pas les fatiguer en multipliant les espiègleries.
C’est les dérider à force de bonne humeur.
Thérèse sera un petit lutin au Carmel mais plus
encore sous le regard de son Bien-aimé. Elle consolera
l’Amour en lui faisant plaisir de mille manières.
Lettre
9 :
A Mère Marie de Gonzague (Nov.- Déc. 1882)
Elle écrit
pour lui « raconter mes petites affaires ».
Quelles sont les petites affaires d’une enfant de 9 ans ? « Je
viens vous demander de prier le petit Jésus pour moi. » Quelle
est cette difficulté qu’elle ne parvient pas à résoudre
seule ?
« J’ai
bien des défauts et je voudrais m’en corriger. » Notons
la concomitance entre la première mention de Jésus
dans les Lettres et le désir de se corriger. Ce n’est
pas la peur d’une quelconque sanction qui motive la demande
mais le désir d’accueillir Jésus dans un
cœur « fleuri » : « Comme
je serai heureuse quand le petit Jésus viendra dans
mon cœur d’avoir tant de belles fleurs à lui
offrir. »
Chaque
fois que Thérèse « répond » à sa
sœur un petit trou apparaît. Pour que Jésus
ne voie pas les petits trous il faut les cacher. Comment cacher
un petit trou qui représente une chose laide ? En le
comblant avec une jolie fleur c’est-à-dire en
faisant un effort pour s’amender. Ainsi chaque trou devient
le nid d’une jolie fleur. « Je veux me corriger
et dans chaque petit trou mettre une jolie petite fleur que
j’offrirai au petit Jésus. »
Thérèse
se prépare à la première communion. Elle
a compris quelque chose d’important : Jésus
aime les jolies fleurs dans les petits trous.
Lettre
11 :
A sœur Agnès de Jésus (nom de religion
de Pauline) (Mars 1884)
Pauline
a réalisé un petit livre de prières pour
Thérèse. « Ton joli petit livre. Je
l’ai trouvé ravissant. Je n’avais jamais
rien vu de si beau et je ne pouvais me lasser de le regarder. » L’écrin
est beau. Que contient-il ? Des prières adressées à Jésus.
Thérèse les dit « de tout mon cœur à Jésus. » Prier
ce n’est pas simplement parler à Jésus
mais lui parler de tout son cœur. De tout son cœur
et du fond du cœur : « Je dis du fond
du cœur les petites prières qui font l’odeur
des roses, et le plus souvent que je peux. » Le
cœur est le maître-mot de la prière.
Une
illustration représente une colombe qui donne son cœur à Jésus.
Thérèse n’a qu’un désir : « Que
le petit Jésus se trouve si bien dans mon cœur
qu’il ne pense plus à remonter au ciel. »
Pour
que son cœur devienne le lieu de la
Présence,
Thérèse s’applique à de petits exercices : « Tous
les jours je tâche de faire le plus de pratiques que
je peux, et je fais mon possible pour ne laisser échapper
aucune occasion. » C’est ainsi qu’elle
orne son cœur « de toutes les belles fleurs
que je rencontrerai, pour l’offrir à Jésus. »
Elle
signe « Thérésita », la
petite Thérèse.
Lettre
21 :
A Marie (2 octobre 1886)
Le
père spirituel de Marie revient d’un long séjour
au Canada. Elle désirait le rencontrer avant son entrée
au Carmel. Thérèse prie la
Sainte Vierge pour
obtenir cette grâce. C’est la première mention
de la
Vierge Marie. « Tous
les jours la
Sainte Vierge a
eu un cierge et je l’ai tant prié et suppliée
que je ne pouvais croire que tu ne saurais pas que le père
revenait aujourd’hui. »
L’entrée
de sa sœur en religion écartèle Thérèse
entre l’action de grâce « le bon Dieu
nous gâte » et la douleur de la séparation « tu
ne te figures pas ce que c’est que d’être
séparé d’une personne qu’on aime
comme je t’aime. » De nombreuses pensées
l’assaillent : « Si tu voyais tout ce que
je pense ».
Que
pense-t-elle ? Nous ne le serons jamais. Ce n’est
pas qu’elle veuille le taire mais l’éclairage
n’est pas encore électrique. « Il est
trop tard… et je n’y vois plus rien. » Il
suffit de pas grand chose pour perdre une information précieuse.
Thierry
Cazes
... à suivre ....