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  La bioéthique :
bioéthiqueDons et greffes d’organes
 
   
 

Dons et greffes d’organes,
la position de l’Église catholique

« Une forme éloquente de fraternité, acte d’une grande générosité, acte de grand amour, l’amour qui donne la vie aux autres » ;

« Parmi les nombreux résultats remarquables de la médecine moderne, les avancées dans les domaines de l’immunologie et de la technologie chirurgicale ont rendu possible l’usage thérapeutique de transplantations d’organes et de tissus. C’est à coup sûr un motif de satisfaction que de nombreuses personnes malades qui, récemment encore, ne pouvaient qu’attendre la mort ou au mieux espérer une existence pénible et restreinte, puissent maintenant se rétablir plus ou moins totalement grâce au remplacement d’un organe malade par le don d’un organe sain ». C’est par ces paroles que le pape Jean-Paul II accueillait les participants d’un congrès international sur les transplantations d’organes à Rome le 20 juin 1991.

En 1995 dans un important texte de son pontificat, l’encyclique, « L’Évangile de la vie », sur la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine du sein maternel au terme naturel de sa vie terrestre, il notait : « L’héroïsme au quotidien, fait de petits ou de grands gestes de partage qui enrichissent une authentique culture de la vie. Parmi ces gestes, il faut particulièrement apprécier le don d’organes, accompli sous une forme éthiquement acceptable, qui permet à des malades parfois privés d’espoir de nouvelles perspectives de santé et même de vie. » (n°86).

Les évêques de France en octobre 1993 dans un document intitulé : « Solidarité et respect des personnes dans les greffes de tissus et d’organes » rappelaient que l’Église catholique accepte le principe des prélèvements et des greffes et voit dans le don librement consenti de tissus ou d’organes, un geste de solidarité et de fraternité.
De même, en janvier 1996, la commission sociale de l’épiscopat français, lançait un appel intitulé : « Le don d’organes : une forme éloquente de fraternité. ».
En lançant cet appel, la commission sociale ne cherchait pas à faire pression sur les consciences mais la mort pouvant frapper de manière inopinée, bien avant une vieillesse avancée, nous-mêmes ou nos proches, les évêques nous rappellent que la mort peut, au-delà de la douleur légitime qu’elle inspire, être l’occasion, par le don d’organes, d’un acte de solidarité de très grande valeur. Cet appel des évêques nous invite à une réflexion personnelle, à des échanges en famille et à l’intérieur des communautés paroissiales et autres sur la possibilité d’un don d’organes. C’est une réflexion de ce type que nous avons ce soir.

L’Église catholique accepte les prélèvements et les greffes de tissus (cornée, valve cardiaque, os, peau..) et d’organes (cœur, foie reins..) humains. La présente communication ne porte pas sur le don du sang, tissu facile à recueillir et rapidement renouvelé après le prélèvement, ni sur celui des cellules reproductrices (sperme et ovules) porteuses de l’identité d’un nouvel être et qui posent d’autres questions éthiques spécifiques que je n’aborderai pas ici car tel n’est pas le sujet.Le prélèvement et la greffe de tissus embryonnaires ou fœtaux posent des problèmes spécifiques qui ne seront pas non plus abordés ici.

Sur le plan théorique il n’y a jamais eu d’objection de principe aux prélèvements de tissus et d’organes. Le pape Pie XII, dès 1956, approuva le prélèvement et la greffe de cornées au bénéfice d’aveugles ou de personnes menacées de cécité. Depuis lors, comme nous l’avons vu, les autorités ecclésiales ont toujours soutenu, voire encouragé, cette pratique, du don d’organes.
L’Église catholique se retrouve bien dans les dispositions de la loi du 29 juillet 1994, relative à la bioéthique, modifiée le 6 août 2004 concernant le don et l’utilisation des éléments et produits du corps humain.

Dans l’anthropologie chrétienne c'est-à-dire, dans la vision chrétienne de l’homme, l’être humain est un être donné : nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes, la vie nous l’avons reçue d’autres, d’un Autre. Pour rester fidèles à notre nature d’être donné, l’homme est appelé à faire de sa vie un don : le don d’organe est une des modalités possibles de ce don. Nous sommes mis au défi d’aimer notre prochain ; avec l’avènement des transplantations d’organes, l’homme a trouvé une manière nouvelle de se donner, de donner une part de lui-même pour que d’autres puissent continuer à vivre. Le don d’organes n’est il pas une manière nouvelle, originale, d’aimer et comme nous y invite Jésus d’aimer jusqu’au bout ? Pour les chrétiens, le don de lui-même qu’a fait Jésus est le point de référence essentiel et l’inspiration de cet amour qui peut nous pousser, non pas nous obliger, à donner un ou plusieurs de nos organes, « manifestation de généreuse solidarité extrêmement éloquente dans une société qui est devenue utilitariste à l’extrême et moins sensible au don généreux. » (Jean-Paul II).

Pour le pape, toute transplantation d’organes tire son origine dans une décision d’une grande valeur éthique : la décision d’offrir sans récompense une partie de son corps pour la santé et le bien être d’une autre personne. C’est précisément ici que réside la noblesse de ce geste, un geste qui est une véritable acte d’amour. Il ne s’agit pas seulement de donner quelque chose qui nous appartient, mais de donner quelque chose de nous même, car, en raison de son union substantielle avec une âme spirituelle, le corps humain ne peut pas être considéré seulement comme un ensemble de tissus, d’organes et de fonction mais il est partie constitutive de la personne qui se manifeste et s’exprime à travers lui.
L’Église catholique nous invite à nous réjouir de ce que la médecine ait trouvé dans la transplantation d’organes une nouvelle manière de servir la famille humaine mais la transplantation d’organes pose aussi des questions de nature éthique, légale et sociale. L’altruisme, les possibilités scientifiques ne sont pas les seuls critères d’appréciation en ce domaine.

Je voudrais ici, très brièvement, donner les exigences éthiques que l’Église catholique a toujours rappelées concernant les dons de tissus et d’organes et les greffes :

I. Le don d’organes :
Il faut distinguer le don de tissus ou d’organes fait par une personne vivante et les prélèvements d‘organes sur une personne décédée :

Les donneurs vivants :
Depuis les débuts des techniques de prélèvement et de greffe, la France a fait le choix d’éviter de s’adresser aux donneurs vivants. La législation française est très restrictive en ce qui concerne les prélèvements sur les personnes vivantes.
Dans la perspective chrétienne, plusieurs conditions sont requises pour faire un don d’organe de son vivant.

D’abord, il doit s’agir d’un vrai don, c'est-à-dire qu’il doit être gratuit, le donneur doit être capable d’apporter librement son consentement après une information suffisante sur les bénéfices attendus pour le receveur et les conséquences sur le donneur. Aucune pression, aucun chantage d’ordre affectif ne doit peser sur sa décision Celui-ci doit être capable d’apporter personnellement son consentement ce qui exclut de réaliser des prélèvements qui provoqueraient une mutilation, sur des enfants et des personnes juridiquement incapables, le don ne doit pas nuire à la vie du donneur et il doit pouvoir poursuivre décemment un service professionnel normal, le bénéfice attendu par le receveur doit être en juste proportion avec les dommages encourus par le donneur, et ne pouvoir être obtenu par d’autres moyens thérapeutiques.

Les prélèvements sur les personnes décédées :
Pour prélever un ou des organes sur une personne décédée, la mort doit au préalable avoir été dûment constatée. Depuis 1968, la plupart des pays ont adopté un critère neurologique de la mort, celui de la cessation irréversible de toute fonction cérébrale (mort cérébrale ) : « On explique la validité de ce critère en reconnaissant que cette partie centrale du système neurocérébral commande toutes les fonctions vitales ainsi que leur unité qui est essentielle à l’existence d’une personne humaine » (Olivier de Dinechin), à cela doivent correspondre des signes cliniques complémentaires et observables : électro-encéphalogramme plat, la nullité de l’électro-encéphalogramme devant être constatée à plusieurs moments différents comme l’exige la législation française, arrêt des mouvements oculaires…

La perspective de procéder à des prélèvements ne doit pas bien sûr conduire à un arrêt prématuré des traitements : « Le respect dû à la vie humaine interdit absolument de la sacrifier, directement et positivement, fût-ce au bénéfice d’un autre être humain qu’on croirait avoir des raisons de privilégier. », affirmait Jean-Paul II. La plus élémentaire sagesse impose que les médecins qui sont appelés à constater le décès de la personne n’appartiennent pas à l’équipe qui réalisera le prélèvement d’organes.

Les prélèvements doivent être réalisés d’une manière qui témoigne du respect dû au corps du défunt, et résulter d’un don fait librement dans un esprit de solidarité avec ceux qui souffrent. Jean-Paul II demande à ce que la transplantation soit le résultat d’ « une décision antérieure, explicite, libre et consciente, de la part du donneur ou de quelqu’un qui représente légitimement le donneur, généralement les parents les plus proches. » ; Pie XII recommandait un accord exprès ou tacite, de « ceux à qui incombe le soin du défunt, les proches parents d’abord. »
Les évêques de France affirment qu’ « Il serait inhumain de procéder à des prélèvements en cas d’opposition, d’expression d’une profonde répugnance ou d’intense désarroi de la famille, ou à son insu. »
La loi française va dans ce sens : tout en maintenant l’idée de la loi Caillavet de 1976 selon laquelle tout citoyen qui n’avait pas manifesté son avis de son vivant était présumé consentant, elle prévoit que le prélèvement peut être effectué dès lors que la personne concernée n’a pas fait connaître, de son vivant, le refus d’un tel prélèvement. Ce refus peut être exprimé par tout moyen, notamment par l’indication de sa volonté sur un registre national automatisé. Si le médecin n’a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s’efforcer de recueillir auprès de ses proches l’opposition au don d’organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt. Les proches sont informés de leur droit à connaître les prélèvements effectués. Le médecin doit donc se renseigner auprès des proches sur ce qu’aurait éventuellement souhaitée la personne décédée : art. L 1232-1 du Code de la santé publique.

Le père Dinechin rappelle que le corps d’une personne décédée ne tombe pas ipso facto dans le domaine public : il existe toujours pour ses proches et il garde à leurs yeux une signification qu’il importe de respecter.

II. Les greffes :
Un mot seulement sur les greffes : il n’est pas toujours évident d’envisager l’idée de vivre en portant dans son corps un organe qui vient d’une autre personne vivante ou défunte, il y a toujours possibilité de rejet du greffon, il y a un sentiment de dette sinon de culpabilité envers le donneur, il n’est pas toujours bien supporté de vivre « grâce » à la mort d’un autre c’est pourquoi aucun malade n’est obligé de recourir à un moyen thérapeutique qu’il lui imposerait une charge qu’il trouverait extrême pour lui-même ou pour autrui. Mais, dans bien des cas la greffe de tissus ou d’organes représente un bienfait pour la vie et la santé du receveur. C’est pourquoi l’Église catholique invite l’opinion publique et chacun en particulier à consentir au don de tissus ou d’organes post-mortem, dans un esprit de solidarité avec ceux qui souffrent. Tout greffon cependant ne peut être reçu que comme un don et jamais comme un dû. Les malades peuvent seulement exiger que la répartition se fasse selon des règles claires et équitables et non pas en fonction du rang social, de la fortune personnelle, des liens affectifs noués avec le médecin, de l’origine ethnique des habitants de notre pays.

Prélèvements et greffes peuvent devenir une des manifestations de la fraternité et de la solidarité humaines s’ils procèdent de dons librement consentis, et où ils sont réalisés dans un plein respect de toutes les personnes concernées.
L’Église catholique rappelle :

  • aux médecins qu’ils sont un des maillons de la chaîne de solidarité qui permet de sauver de nombreuses vies humaines,
  • aux personnes qui envisagent de donner, de leur vivant, des tissus ou un organe, que c’est un acte de grande générosité, une marque d’amour pour tous ceux qui souffrent,
  • à tous les citoyens mais spécialement aux catholiques de prendre position de leur vivant pour envisager un prélèvement post-mortem afin de libérer nos proches d’une grande partie de leurs hésitations et de leur angoisse, si de tels prélèvements sont envisagés le moment venu,
  • aux proches les évêques rappellent que ce n’est pas manquer de respect au corps du défunt ou à sa mémoire que de consentir à de tels prélèvements.

Bien sûr, prélever un ou des organes à une personne l’ampute de quelque chose mais l’Église rappelle ce qui est le cœur de sa foi, sa ferme espérance,
« Tout homme est appelé à ressusciter et ainsi à retrouver son intégrité personnelle transfigurée et définitivement possédée dans le Christ. » (Jean-Paul II, discours du 14 décembre 1989).

Père Christophe Disdier-Chave


 
   
       
   
 
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