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LETTRES DE SAINTE THERESE DE LISIEUX

 
 

                                         

 

 
  mai 2009                               lire également:     janvier février   -  mars   -    avril    -  juin               billets spirituels de 2008: Bernadette
 
 

LETTRES DE SAINTE THERESE DE LISIEUX

(5)

 

 

L’adolescence (fin)

Lettres 22 à 45

(Noël 1886 - avril 1888)

 

 

   Pendant un mois Thérèse correspond avec les autorités ecclésiastiques de son diocèse pour obtenir son admission prochaine au Carmel.

 

 

Lettre 38 : A Mgr Hugonin (3-8 ( ?) décembre 1887)

   « Je viens demander à Votre Grandeur, de bien vouloir me donner la réponse que je désire depuis si longtemps. » On pourrait penser que Thérèse insiste lourdement. Elle se borne à mettre en pratique l’Evangile : « Quand vous aurez fait tout ce que vous pouvez, dites : Je suis le serviteur inutile ». Elle n’a pas encore épuisé les recours possibles.

   Ce qui surprend c’est l’aplomb avec lequel elle demande à l’évêque de se conformer à la volonté de Jésus : « Oui, je crois que c’est par vous que Jésus va bien vouloir réaliser sa promesse » Thérèse ne doute pas de sa vocation et elle est convaincue qu’il lui faut y répondre sans tarder : « Le petit Jésus m’a si bien fait sentir qu’il me voulait à Noël que je ne puis résister à la grâce qu’il me fait. » Derrière des mots simples elle témoigne d’une saisie de son être (« m’a si bien fait sentir ») à laquelle elle ne peut ni ne veut résister (« je ne puis résister »). A cette emprise de Jésus, Thérèse ajoute des éléments humains « c’est vrai que je suis bien jeune mais… papa veut bien », qu’elle subordonne toutefois à la volonté de Dieu (« puisque Dieu m’appelle»).

   Elle a entendu que le signe d’une authentique vocation s’accompagne toujours de dures épreuves. Si ce critère de discernement est fiable elle le vérifie au quotidien : «On dit que les épreuves sont un signe de vocation ; oui, vraiment, vous savez que le bon Dieu ne me les a pas épargnées. » Comment une si jeune personne a-t-elle vécu ces épreuves ? « Je sentais que je souffrais pour Jésus, et je n’ai pas un seul instant cessé d’espérer. »

   Que « Votre Grandeur » réponde favorablement à la prière de « sa plus petite fille. » Thérèse ne mendie pas un privilège. Ce qui semble la motiver, plus que son propre vouloir, c’est l’accomplissement de la volonté de Dieu dont l’évêque est un instrument  « c’est à votre Grandeur que je devrai l’accomplissement de la volonté de Dieu ».

 

 

 

 

Lettre 39 : A l’abbé Révérony (16 décembre 1887)

   Thérèse compte les jours qui la séparent de Noël. Elle vise cette échéance comme certaine. « Monsieur l’Abbé, il n’y a plus que huit jours d’ici Noël ! » A Noël Jésus lui ouvrira les portes du Carmel. Thérèse ne s’est jamais aussi bien portée dans l’espérance : « Plus le temps s’avance, plus j’espère. » La métamorphose de la jeune fille craintive en une petite femme énergique est le fruit de l’appel du Seigneur qui captive son désir et ses pensées : « C’est peut-être de la témérité mais pourtant il me semble bien que c’est Jésus qui parle en moi. » Le dernier voyage à Rome avec toutes les visites que Thérèse qualifient de « distractions » « n‘ont pu chasser un seul instant de mon esprit le désir ardent de m’unir à Jésus. » La certitude d’entrer au Carmel incessamment va de pair avec une expérience tout intérieure. L’appel est si fort que Thérèse ne parvient plus à le contenir : « Ah ! pourquoi m’appeler si fort si c’est pour me faire languir loin de lui ? » Ce gémissement de l’âme évoque des versets de Psaumes : « Comme languit une biche après l’eau vive, ainsi languit mon âme vers toi, mon Dieu », « Dieu, toi mon Dieu, je te cherche, mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair, terre sèche, altérée, sans eau. »

   L’appui du père Révérony est nécessaire : « Si j’entre au Carmel à Noël je sais que c’est à vous que je le devrai. » Thérèse écrit alors une phrase qu’on croirait apocryphe tant elle tranche sur tout ce que nous avons lu jusqu’à présent : « Je ne suis pas ingrate et toute ma vie je m’en souviendrai. » « Ingrate » : Ce n’est pas un mot d’adolescente écrivant au vicaire général, surtout à cette époque. Ce mot lui a peut-être été susurré par Pauline (sœur Agnès).

 

 

Lettre 40 : A Mgr Hugonin (Début janvier 1888)

   Thérèse n’entre pas au Carmel à Noël mais l’autorisation est donnée. « Toutes les beautés de ce monde ne m’auraient pas fait tant plaisir. L’Enfant Jésus ne m’a donc pas trompée ! Il m’a dit oui dans son berceau. »

   Elle écrira encore à Mgr Hugonin le 27 mars, quelques jours avant son postulat, pour lui demander sa bénédiction (Lettre 44).

 

 

Lettre 41 : Au chanoine Delatroëtte (13-30 janvier 1888)

   Thérèse « travaille en ce moment à préparer son âme à la vie du Carmel. Je sais que c’est une bien grande grâce d’être appelée si jeune, mais je ne serai pas ingrate et le bon Dieu me donnera, j’espère, le moyen de lui être fidèle comme je le désire de tout mon cœur. » A nouveau le mot « ingrate ». Nous en connaissons la provenance. Cette lettre est un brouillon écrit de la main de sœur Agnès que Thérèse recopie à l’identique.

 

   Les dernières lettres sont écrites à ses deux sœurs, Marie et Pauline, qui l’ont précédée au Carmel.

 

 

Lettre 42 : A sœur Marie du Sacré-Cœur (21 février 1888)

   Le « papa » de Thérèse lui a offert un agneau d’un jour. « Hélàs ! la jolie petite bête est morte dans l’après-midi. »

   « La mort de ce petit animal m’a donné à réfléchir. » La méditation sur la mort est une école de détachement des choses passagères pour s’attacher à celles qui demeurent. « Oh oui ! sur la terre il ne faut s’attacher à rien, pas même aux choses les plus innocentes car elles vous manquent au moment où on y pense le moins. Il n’y a que ce qui est éternel qui peut nous contenter. » Thérèse énonce un des axes majeurs de sa vie spirituelle.

 

Lettre 43 : A sœur Agnès de Jésus (18 ( ?) mars 1888)

   Lettre admirable de Thérèse à Pauline : « Je suis bien heureuse que le Bon Dieu m’ait donné une sœur comme toi. » C’est, croyons-nous, la lettre la plus profonde et la plus précise sur ses dispositions intérieures au seuil de son entrée au couvent. On ne lit pas cette confidence vautré dans un fauteuil à siroter un jus d’ananas. Certains termes peuvent déconcerter et même effrayer. Nous n’allons pas affaiblir le texte en le parsemant de commentaires mais le donner tel quel. Thérèse n’est pas masochiste. Elle est habitée d’un très grand désir. Le vocabulaire est celui de l’excès c’est-à-dire celui de l’amour. Les mots «goutte de fiel», «calices», «épreuves», «coups», «souffrances», «souffrir» et «mort» doivent être ressaisis à l’aune d’un autre registre de langage qui les explique : «le rivage béni du Carmel» et «Je veux être une sainte» (Lettre 45).

   « O Pauline, c'est bien vrai qu'il faut que la goutte de fiel soit mêlée à tous les calices, mais je trouve que les épreuves aident beaucoup à se détacher de la terre, elles font regarder plus haut que ce monde. Ici-bas, rien ne peut nous satisfaire, on ne peut goûter un peu de repos qu'en étant prête à faire la volonté du Bon Dieu.

   Ma petite nacelle a bien du mal à arriver au port, depuis longtemps j'aperçois le rivage et toujours je m'en trouve éloignée ; mais c'est Jésus qui guide mon petit navire, et je suis sûre que le jour où il le voudra il pourra le faire aborder heureusement au port. O Pauline, quand Jésus m'aura déposée sur le rivage béni du Carmel je veux me donner tout entière à lui, je ne veux plus vivre que pour lui. Oh non, je ne craindrai pas ses coups, car, même dans les souffrances les plus amères, on sent toujours que c'est sa douce main qui frappe, je l'ai bien senti à Rome au moment même où j'aurais cru que la terre aurait pu manquer sous mes pas.

   Je ne désire qu'une chose quand je serai au Carmel, c'est de toujours souffrir pour Jésus. La vie passe si vite que vraiment il vaut mieux avoir une très belle couronne et un peu de mal que d'en avoir une ordinaire sans mal. Et puis, pour une souffrance supportée avec joie, quand je pense que pendant toute l'éternité on aimera mieux le Bon Dieu ! Puis en souffrant on peut sauver les âmes. Ah ! Pauline, si au moment de ma mort je pouvais avoir une âme à offrir à Jésus, que je serais heureuse ! Il y aurait une âme qui serait arrachée au feu de l'enfer et qui bénirait Dieu toute l'éternité. »

   Thérèse est tout à fait lucide sur la dureté de la vie au Carmel. Nous la suivrons pendant son postulat et nous la verrons de plus en plus centrée sur le Christ et… naître à la joie.

 

 

 

                                                                                                         Thierry Cazes

 

 

... à suivre  ....

 
   
 
voir également les billets spirituels de 2008:  Mario RONCELLI        La vocation de Bernadette
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