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Cinquantenaire du départ des sœurs
de la Sainte-Enfance
à Yoko (Cameroun)
10 Juin 2007 - Fête-Dieu
Homélie de Mgr Bala, évêque de Bafia
Frères et sœurs,
Chers amis,
1957-2007, cinquante ans déjà depuis
le départ de trois religieuses de la Sainte-Enfance de Digne
à Yoko dans le diocèse de Bafia, au Cameroun, (Bafia
était rattaché à l’archidiocèse
de Yaoundé) : sœur Marie du Rosaire, sœur Thérèse
Kirchner et sœur Simone Concordant. Être parties de Digne
pour Yoko en 1957 n’est pas de l’ordre des faits divers
quand on projette le regard loin en arrière sur cinquante
ans.
En effet, en 2003, le jour de mon ordination épiscopale
à Bafia (le 12 juillet), mon prédécesseur,
Mgr Athanase Bala, parlant des conditions d’apostolat à
Yoko révélait qu’il y fallait de « l’héroïsme
missionnaire ». Si de nos jours, pour être en mission
à Yoko, il faut de « l’héroïsme »,
que fallait-il en 1957 ?
L’apôtre Paul parle de la folie dans
ses épîtres. C’est peut-être cela qu’il
fallait. La folie pour Dieu, la folie de la foi, la folie de l’espérance,
la folie de la charité !
Le cinquantenaire que nous célébrons est celui des
fous et des folles de Dieu, les héros de Dieu. Ils sont partis
de Digne !
Nous volons rendre grâce à Dieu pour
ces fous, ces folles, ces héros suscités par Lui-même.
De Yoko, les héros sont allés à Tibati, puis
à Ngaoundal. En plus des trois religieuses déjà
citées, ont suivi les sœurs Thérèse-Philippe,
Amélie, Odette, Emma, Simone-Lucie, Claudie, etc... et le
père Brun en 1969.
« Les sœurs, me racontait le père
Michel Lachenaud (ancien curé de Yoko pendant vingt-cinq
ans), ont profondément marqué la paroisse de Yoko.
À leur arrivée il n’y avait rien à Yoko.
» Elles se sont lancées dans les services de l’éducation
à l’école primaire, dans ceux de la santé
avec le dispensaire itinérant, allant de villages en villages,
dans l’accompagnement des femmes. Elles ont fait un essai
de collège secondaire. Il s’agissait, pour ces héros,
de participer à l’implantation de l’Église
à Yoko. Implanter l’Église, cela est fait.
Nous tenons à leur dire merci pour ce travail
d’implantation accompli dans des conditions plus que difficiles.
(Claude Bayle, Marie-Pierre, Nicole et le père Georges, en
octobre dernier, ont touché du doigt ces réalités
invraisemblables. Je conseille à tous de lire le journal
de voyage réalisé par Marie-Pierre).
Une question mérite d’être posée
: que sont allées chercher les sœurs de la Sainte-Enfance
à travers les bourbiers des forêts et savanes de Yoko
à cette époque là ? Elles sont allées
prendre part à l’implantation de l’Église
en réponse aux appels de l’encyclique Fidei Donum,
et de ceux de Mgr Grafin (ancien archevêque de Yaoudné)
et du père Roques (ancien curé de Yoko).
Mais cette réponse est à comprendre
à partir de la recommandation que Jésus fait aux Apôtres
dans l’Évangile que nous venons d’entendre :
« Donnez leur vous-mêmes à manger. » Il
s’agissait de donner à manger à des foules affamées
et épuisées de fatigue. C’était «
le soir », c’était le désert… oui,
le soir des ténèbres ! (Claude et son équipe
se rappellent les interminables coupures d’électricité
à Yoko, à Bafia…) Le soir des ténèbres
dans le désert de l’aridité, l’assèchement
et de dépouillement, désert de toutes famines…
c’est là que Jésus fit le miracle de la multiplication
des pains et du poisson, fruits de la terre et du travail des hommes.
Ce faisant, Jésus renouvelait ce que fit le
Créateur quand il créa l’homme. En effet, ayant
créé l’homme, Dieu le mit en responsabilité.
Il devait, en plus de remplir la terre de l’espèce
humaine, travailler à la maîtrise humanisante de la
création. Le schéma est le même dans le cas
de la multiplication des pains. Jésus met en œuvre sa
puissance divine, puis charge les Apôtres de la distribution.
« Il donna les pains et les poissons déjà
multipliés aux apôtres pour qu’ils les distribuent
à tout le monde. »
Voilà ce qui a amené les religieuses
de Digne à Yoko. Il s’agissait pour elles d’aller
distribuer à ces autres foules d’affamés les
bienfaits de l’amour de Dieu. Mais le Christ avait fait remarquer
que « l’homme ne vit pas seulement de pains ».
D’où des foules doublement affamées : de pains
mais surtout de Parole. On comprend pourquoi la multiplication des
pains fait suite immédiatement à la prédication
de la Parole de vie par Jésus.
Les sœurs de la Sainte-Enfance, il y a cinquante
ans, sont allées, à la suite du Christ, à travers
les savanes, les forêts et les sentiers boueux ou brûlants
de soleil de Yoko pour annoncer le règne de Dieu, nourrir
les foules de Parole et de pains. C’était le partage
en Église de la vie que Jésus apporte aux hommes en
abondance.
Ce partage en Église traverse des générations,
il brise les frontières et les barrières de toutes
sortes, il rassemble de toutes races et peuples. De Digne à
Bafia, c’est évident. Ce que les sœurs de la Sainte-Enfance
ont initié a pris racine et se poursuit. La kermesse des
missions est née. Très efficacement elle soutient
l’œuvre d’annonce du Royaume à Ngaoundal,
dans le diocèse de Ngaoundéré, le diocèse
de Mgr Joseph Djida qui est là, pour qu’ensemble nous
exprimions notre gratitude à l’Église de Digne.
La kermesse des missions continue à soutenir aussi la mission
à Bafia dans le domaine de la formation des futurs prêtres.
Le 2 juin dernier, deux jeunes ont été ordonnés
prêtres, le 7 juillet deux diacres seront ordonnés.
Merci à vous tous qui avez soutenu leur formation au grand
séminaire.
Les paroisses de Yoko et Ndjolé, dans le diocèse
de Bafia, bénéficient de l’appui de la kermesse
des missions. Le père Didier Pentecote, curé de Yoko
est là, le père Michel Lachenaud, ancien curé
de Yoko, est là aussi, le frère François Brochard,
chargé du projet « eau potable » à Bafia
est là lui aussi, le père Marc Kodjo, curé
de Ndjolé (uni à nous par la pensée), tous
se joignent à moi pour dire merci à tous les membres
de la kermesse des missions et à vous tous ici présents
qui soutenez notre action.
Si le jumelage est né en 2000 entre Digne-les-Bains
et Bafia, c’est parce que des religieuses en 1957 ont quitté
Digne pour aller à Yoko. Les divers échanges entre
nos deux Églises sont le fruit de la générosité
héroïque de ces pionnières. Leur fécondité
ecclésiale et missionnaire continue à produire du
nouveau. D’où la première édition de
la « kermesse des vocations » à Bafia les 25,
26 et 27 mai de cette année 2007. Désormais nous avons
à Digne-les-Bains la « kermesse-mère »
et à Bafia la « kermesse-fille ». Que de joie
et d’espérance suscitées par cette première
édition de la kermesse des vocations ! En plus de la sensibilisation
des jeunes et de la communauté diocésaine sur l’animation,
l’accompagnement et le soutien des vocations, près
de 4.000 euros ont été collectés pour la formation
des futurs prêtres.
Au regard de tous ces acquis, on est, certes, encore
bien loin du cas de l’Évangile qui concluait tout à
l’heure : « Tous mangèrent à leur faim,
et on ramassa les morceaux qui restaient, cela remplit douze paniers.
» Oui, nous sommes loin de cette surabondance, mais les avancées
sont de plus en plus significatives, d’année en année.
Les raisons de faire mémoire et de rendre grâce à
Dieu sont de plus en plus nombreuses et encourageantes.
Restons donc unis dans la poursuite de cette mission
que le Christ nous a confiée, la mission si bien accomplie
par les sœurs de la Sainte-Enfance, de la Charité, prenons
des forces pour aller toujours plus loin, prenons des forces dans
le sacrement de la vie, le sacrement du Corps et du Sang du Christ
que nous célébrons et magnifions ce jour à
travers l’Église universelle. C’est le sacrement
de l’Amour incommensurable de Dieu. Célébrons
ce sacrement, en ce jour anniversaire, afin d’être renouvelés
dans cet amour de Dieu. Restons à jamais unis dans ces liens
d’amour.
Pour terminer, je remercie de tout cœur mon
frère « jumeau », Mgr François-Xavier
Loizeau, et Mr Claude Bayle, président de la kermesse des
missions, pour l’invitation qu’ils nous ont adressée
à venir à cette fête du cinquantenaire, Mgr
Joseph Djida et moi. Merci pour l’accueil fraternel et pour
ces moments de joie et de communion fortes. En ces matières
tout est vécu à satiété. En terme de
reste, on est bien au-delà des douze paniers de l’Évangile.
La fraternité, la communion et la joie sont débordantes.
Merci infiniment. Et que le Nom de Dieu soit loué aujourd’hui
et dans les siècles des siècles. Amen
+Jean-Marie Benoît Bala
évêque de Bafia
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