4 Nous connaissons
tous un peu l’histoire chrétienne de notre diocèse
(nous en avons fait mémoire au cours de l’année
jubilaire 2000).
La première annonce de l’Évangile eut
lieu sans doute au début du quatrième siècle
à Digne, par saint Vincent et saint Domnin venant des
Églises d’Afrique du Nord. Ensuite, sous l’influence
des moines de Lérins, le diocèse de Riez fut
créé au cinquième siècle ; puis
ceux de Glandèves, de Senez et de Sisteron au sixième
siècle. Les nombreuses églises et chapelles
témoignent d’une évangélisation
de l’ensemble de notre pays pendant les siècles
qui ont suivi. De toute cette histoire sainte nous sommes
les héritiers.
Après la Révolution française et la tourmente
religieuse qu’elle engendra, les cinq diocèses
d’origine furent regroupés en un seul. L’extension
du catholicisme s’est poursuivie ensuite au long du
dix-neuvième siècle et au début du vingtième.
Le nombre de prêtres pour ce seul diocèse en
est le témoin : 372 en 1841, nombre maintenu jusqu’en
1903 !
5 Depuis une cinquantaine
d’années la religion catholique demeure dans
la culture commune aux grandes étapes de la vie (baptême,
mariage, obsèques), et à l’occasion des
fêtes patronales, des pèlerinages locaux etc.
Mais en même temps l’engagement effectif des baptisés
dans l’Église a diminué sensiblement.
De plus, on peut dire qu’il y a eu une rupture de transmission
de la foi qui touche toutes les familles depuis une trentaine
d’années. Nous en mesurons les conséquences
aujourd’hui par le fait que les sacrements et la catéchèse
par exemple sont moins demandés.
Nous vivons actuellement un temps de lumières et d’ombres
en notre Église locale, comme en toute notre Église
occidentale. D’une part, il y a, en chacun de nos villages
et de nos quartiers de villes, des personnes chez qui la foi
au Dieu de Jésus-Christ est personnellement et profondément
enracinée ; certains cherchent à se former davantage
dans la connaissance de la Bible, sur les fondements et les
développements de la foi, sur les différents
aspects de la vie chrétienne ; d’autres (et souvent
les mêmes) sont très participants et engagés
dans les groupes et services d’Église (catéchèse,
liturgie, mouvements de charité ou de spiritualité
etc.). J’en ai été le témoin émerveillé
partout au cours de mes visites pastorales et cela jusqu’en
chacun des plus petits villages. Mais d’autre part,
il y a chez une majorité de personnes un détachement
de la participation régulière à la vie
de l’Église et une ignorance de la foi chrétienne
et même de ses expressions culturelles (celles de notre
patrimoine religieux pourtant objet de nombreuses restaurations),
encore plus de ses fondements doctrinaux et du langage de
la prière de l’Église.
Il me semble même que l’écart
se creuse de plus en plus entre une minorité de gens
convaincus et actifs dans leur foi et une majorité
de personnes loin de toute préoccupation religieuse
et chrétienne, souvent en recherche de sens et parfois
très critiques non pas tant envers le Christ et l’Évangile
qu’envers l’Église catholique et ses exigences
(morales surtout).
|
Pour
réfléchir et échanger
6 Nous pouvons alors
nous demander, entre nous chrétiens, si nous faisons
ces mêmes constats et partager notre analyse de situation.
Mais nous ne pouvons en rester là.
- Que nous faut-il aujourd’hui entreprendre
comme Église du Christ pour que la foi soit mieux
connue, mieux célébrée et mieux vécue
?
- Quelles propositions de la foi devons-nous
faire, à frais nouveaux, en partant de zéro
parfois ?
- Comment prendre en compte les demandes
inattendues qui nous sont faites ou les attentes implicites
qui sont murmurées ?
Il est trop tôt encore, dans notre démarche,
pour choisir et mettre en œuvre des moyens d’évangélisation
plus appropriés. Nous commençons à les
envisager au niveau des conseils diocésains en nous
instruisant des expériences d’autres diocèses
français.
7 Ce qui importe
d’abord c’est de s’en remettre, au creux
de notre pauvreté, à l’Esprit-Saint dans
la prière : il guide notre marche vers le Royaume de
Dieu, à l’horizon de notre histoire chrétienne
qui se poursuit. Il est Sagesse !
Une phrase du père Éloi Leclerc
nous éclaire :
« Apprendre à vivre dans le temps
de Dieu, c’est sans doute là le secret de la
sagesse » (Sagesse d’un pauvre, p.66).
Un texte du père
Christian de Chergé, martyr de Thibirine en Algérie,
nous situe dans la juste attitude vis-à-vis de notre
avenir :
« Ne pas enjamber sur l’avenir
qui n’appartient qu’à Dieu (…). Vouloir
voir ou imaginer l’avenir, c’est faire de l’espérance-fiction
et il me semble que c’est une certaine façon
de la violer (…). Évidemment, comme nous n’avons
pas l’imagination de Dieu, quand nous pensons l’avenir,
nous le pensons comme le passé (…). Quand on
est dans un tunnel, on n’y voit rien, mais c’est
absurde de vouloir pour autant que le paysage, à la
sortie du tunnel, soit le même qu’à l’entrée
(…). Laissons l’Esprit-Saint faire son travail
(…). C’est son affaire. C’est cela que j’appelle
la pauvreté. »(L’invincible espérance,
p. 301-302)
Le père de Chergé a écrit
ce texte le 8 mars 1996, peu de temps avant son enlèvement
et sa mort, avec ses frères moines. Certes, nous ne
sommes pas en situation de « tunnel » comme eux,
mais nous vivons une certaine pauvreté dans notre mission
d’évangélisation.
Madeleine Delbrêl nous invite alors à
être « apostoliques » :
« Nous ne cherchons pas l’apostolat,
c’est lui qui nous cherche ; Dieu en nous aimant le
premier nous rend frères et nous rend apôtres.
Comment partagerions-nous pain, toit, cœur avec ce prochain
qui est notre propre chair et ne serions-nous pas débordants
pour lui de l’amour de notre Dieu, si ce prochain ne
le connaît pas ? Sans Dieu tout est misère .
Pour celui qu’on aime, on ne tolère pas la misère
: la plus grande moins que toute autre. N’être
pas apostoliques, n’être pas missionnaires ? Mais
que serait alors notre appartenance à ce Dieu qui a
envoyé son Fils pour que le monde soit sauvé
par lui… et comment ? Pourtant, nous ne « pensons
» pas à être apôtres ; nous pensons
à être entre les mains de Dieu, dans le Corps
du Christ, sous le mouvement de son Esprit ».(M.
Delbrêl, Joie de croire, p.157)
 Lire
la suite
|