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LETTRES DE SAINTE THERESE DE LISIEUX

 
 

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LETTRES DE SAINTE THERESE DE LISIEUX

(8)

 

 

Le postulat (suite)

Lettres 46 à 80

(9 avril 1888 – 10 janvier 1889)

 

 

Lettres à sœur Marie du Sacré-Cœur (49, 75, 79)

 

   Cette religieuse est chargée d’introduire Thérèse aux différents aspects de la vie carmélitaine.

   Une phrase est curieusement interrompue : « Bientôt la cloche va sonner, elle son. » C’est que la discipline du Carmel enseigne de cesser toute activité quand la cloche sonne pour se rendre à l’office. Thérèse applique rigoureusement la consigne.

   La vie est comparée « à une nuit passée dans un mauvaise hôtellerie. » L’image est de sainte Thérèse d’Avila. On cerne un peu les lectures de la petite Thérèse.

   Sœur Marie du Sacré-Cœur doit sourire d’être comparée à un grand aigle qui « plane dans les hauteurs et fixe le soleil » tandis que Thérèse n’est qu’un « petit roseau si faible qui est dans le fond de la vallée, le moindre souffle le fait plier. »

   Que l’aigle intercède pour Thérèse afin qu’elle « reste toujours un petit grain de sable bien obscur, bien caché à tous les yeux, que Jésus seul puisse le voir ; qu’il devienne de plus en plus petit, qu’il soit réduit à rien. » (L. 49)

 

   Thérèse lui fait aussi endosser le costume du « lion chéri de Jésus. » (L.75). La caractéristique du lion est le courage. Thérèse n’est qu’un « agnelet » qui aurait bien besoin « d’emprunter un peu de ce courage qui fait tout surmonter au Lion. » Elle traverse une période difficile : « Le pauvre agnelet ne peut rien dire à Jésus et surtout Jésus ne lui dit absolument rien. »  L’aspiration au bonheur est vive mais où le trouver ? « Je connais une source, celle où après avoir encore bu on a encore soif, mais d’une soif qui n’est pas haletante, qui est au contraire très douce parce qu’elle a de quoi satisfaire. » Quelle est cette source très douce ? « Cette source c’est la souffrance connue de Jésus seul ! » (id.)

 

   Thérèse reprend des expressions que nous avons déjà rencontrées. Elle est ce « jouet » ou cette « petite balle » entre les mains de Jésus. L’accent portait sur le jeu de l’enfant divin qui disposait de Thérèse. Maintenant c’est l’image d’un jouet qu’on ne ramasse pas, d’une balle qu’on ne lance pas. C’est l’expérience de l’extrême faiblesse qui attend tout de l’autre. « Le jouet de Jésus est la faiblesse même, si Jésus ne le porte, ou ne  lance lui-même sa petite balle, elle restera là inerte, au même endroit. » (L.79). Ces paroles sont écrites la veille de sa prise d’habit. « Plus qu’un jour et je serai la Fiancée de Jésus, quelle grâce !... Que faire pour le remercier, pour me rendre moins indigne d’une telle faveur ?... » Sa souffrance est une souffrance d’amour. Souffrir de ne pas aimer plus: « Que j’ai soif du Ciel, là où l’on aimera Jésus sans réserve. » (id.)

 

Lettres à Marie Guérin (50, 62, 69)

 

   On se souvient des problèmes de santé de Marie. Après la rage de dents et les migraines, elle souffre du pied. Peut-être est-elle habituée à se plaindre ce qui expliquerait les propos de Thérèse. « C’est bientôt la Pentecôte, le Saint Esprit réparera bien certainement un grave oubli qu’il a fait le jour de ta confirmation. »  (50). Un sourire accompagne ces paroles. « Il t’a donné tous les dons mais, par malheur, il en a oublié un qui te serait bien utile. Tu devines lequel ? » Thérèse va prier le Saint Esprit pour qu’il répare son oubli en lui donnant de don de la force « tu seras forte comme un petit Samson ». Cesse de te plaindre semble-t-elle ajouter : « Si tu as encore mal au pied, prends garde à ta Loulou (Thérèse). » (id.)

   La lettre 62 se termine par allusion à la santé fragile de Marie toujours évoquée avec humour : « Je t’embrasse de cœur, mais bien fort, si fort que si tu avais une glande, elle serait percée comme avant le voyage de Rome. »

   Nous glanons une petite information sur les conditions de vie de Thérèse : « Tu ne peux te figurer combien on est bien soigné au Carmel, il faut toujours que je mange et que je me chauffe les pieds. » (L. 69) Sa jeunesse la dispense des jeûnes. Le mois de novembre devait être rigoureux dans les stalles et en cellule. L’usage d’une chaufferette était courant.

 

Lettre à Mr Guérin (59)

 

   Mr Guérin est peiné. La maladie d’un proche laisse présager le pire. Monsieur David est venu sur le tard à la foi et s’apprête à mourir dans de bonnes dispositions comme on disait alors. « Je remercie Dieu de tout mon cœur de la grande grâce qu’il a bien voulu accorder à cette âme si belle. Quelle disposition pour paraître devant lui ; c’est vraiment admirable. » Thérèse connaît son oncle et perçoit bien sa souffrance. « Je comprends combien vous devez souffrir, car il n’y a rien d’aussi pénible que de voir souffrir ceux qu’on aime. » Cette souffrance s’ajoute à celles d’autres épreuves vécues par le couple des Guérin. Thérèse projette alors sur son oncle le fruit de son expérience spirituelle. Elle a découvert le lien étroit entre les épreuves et l’appel à la sainteté. Elle en a déduit que les épreuves étaient la manifestation d’un amour de prédilection du Seigneur. Elle effectue alors une opération  – qui aurait demandé un peu plus de prudence -  en généralisant une expérience singulière. Puisque la souffrance est la garantie que Dieu nous prépare un bonheur sans fin, l’oncle dont la vie est une grande souffrance est promis à un glorieux héritage : « Ah ! qu’il me semble que la couronne qui vous est réservée est belle. Il ne peut en être autrement puisque toute votre vie n’est qu’une croix perpétuelle et que Dieu n’agit ainsi qu’avec les grands saints. » La question est de savoir si monsieur Guérin est un grand saint et si ce discours l’a réconforté. Thérèse soupçonne que ses propos peuvent dépasser la mesure : « Je ne sais ce que vous allez penser de votre petite nièce, elle laisse courir sa plume sans se rendre bien compte de ce qu’elle dit. » Le Dieu dont elle témoigne peut apparaître, pour une oreille peu avertie, comme un sadique. Il convient de manier avec précaution le langage religieux. Il peut s’enraciner dans une expérience de feu et produire des incompréhensions voire des monstruosités théologiques. Thérèse est tellement enivrée du désir du Ciel qu’elle semble ignorer qu’un tel désir peut ne pas être partagé. « Quel bonheur de penser qu’au Ciel nous serons réunis pour ne plus nous quitter, sans cet espoir la vie serait vraiment pas supportable. » Thérèse n’a que 16 ans. Ne l’oublions pas !

 

Lettre à Mme Guérin (60)

 

   Le lendemain Thérèse écrit à sa tante. Monsieur David est mort quelques heures après l’envoi de la lettre précédente. « Je prie afin que Dieu prenne dans son Paradis cette âme si sainte, peut-être y est-elle déjà, car avec des dispositions aussi parfaites on peut aller droit au Ciel. » Thérèse écrit quelques lignes d’un chapitre sur les fins dernières. Ses paroles sont émaillées de citations qu’elles devaient conserver précieusement et qui nourrissaient sa propre espérance. « Dans ces moments de grandes tristesses, on a besoin de regarder au Ciel, au lieu de pleurer, tous sont dans la joie car Notre Seigneur possède un élu de plus, un nouveau soleil éclaire de ses clartés les anges du Ciel, tous sont dans le ravissement de l’extase divine, ils s’étonnent que nous puissions appeler mort le commencement de la vie. Pour eux nous sommes dans un étroit tombeau, et leur âme peut se transporter à l’extrémité de plages éthérées, d’horizons infinis… Ma tante chérie,  quand on regarde la mort d’un juste, on ne peut s’empêcher d’envier son sort. Pour lui le temps de l’Exil n’existe plus, il n’y a plus que Dieu, rien que Dieu. » Ce discours un peu professoral n’est pas écrit dans un religieux enthousiasme. Thérèse confie qu’elle est toute perdue « dans la mélancolie de la mort des saints. » Elle envie leur sort.

Thierry Cazes

... à suivre  ....

 
   
 
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